Esteban Buch

Le sexe et le son se nouent souvent dans l’amour, le bonheur, le plaisir, la rencontre des corps sensibles, l’abandon de soi à l’écoute de l’autre. Leur alliance incite au rêve d’une transmutation du temps, comme lorsque Goethe voulait arrêter l’instant pour en jouir dans toute sa plénitude, ou d’autres souhaitent l’étirer pour faire durer une jouissance toujours trop brève. Les musiques qui accompagnent ces moments choisis, que l’on soit avec quelqu’un d’autre ou avec soi-même, sont littéralement innombrables. Comme le sont celles qui représentent la sexualité ou en imitent les courbes d’intensité, une mimèsis temporelle du sensible qui insiste, sous des formes changeantes, d’une culture à l’autre. Sans oublier les personnes qui refusent absolument de mêler le sexe et la musique, préférant à cette dernière, soit les sons et les voix des corps amants, soit le silence conçu comme une expérience sonore en soi. Mais le sexe en train de se faire peut à son tour devenir sextape et sous cette forme, selon l’occasion, servir d’aphrodisiaque, donner lieu à d’odieux chantages, ou faire l’objet d’une transcription poétique, comme dans a love poem de Franck Leibovici. Avec ou sans musique, avec ou sans substances chimiques, les sons du sexe peuvent faire partie d’une « expérience intérieure aux dimensions immenses », comme disait Walter Benjamin à propos du haschich.