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Citation de StefEleane


Entre juillet 2010 et avril 2011, j'ai vécu quelques péripéties inédites auxquelles mon emploi de chercheur universitaire ne me prédestinait pas. J'ai parfois eu le sentiment que les événements se jouaient de moi et de mes habitudes d'orateur monomaniaque d'amphithéâtre à moitié vide. Pour la première fois de ma vie, j'ai connu le souffle exaltant de l'aventure. Toute cette étrange histoire est née d'une première recherche qu'une équipe de collègues avait menée sur la «naissance des héros» à partir des ouvrages de référence d'Alain Corbellari sur Guillaume d'Orange et d'Otto Rank sur les récits antiques. J'avais été chargé d'opérer une jonction entre les mythes mayas et l'histoire du peuplement des Amériques modernes. La figure de Zorro occupait une place centrale dans cette étude car il représente le commencement du nouveau mythe américain, la lutte contre l'oppression, la libération d'un État et le lien avec les travailleurs les plus démunis de la population. Zorro faisait oublier les massacres indiens et amérindiens, les colonialismes sanglants et les conversions imposées. On fondait un irréprochable passé à cette nation en devenir.
Plusieurs historiens et romanciers dont la merveilleuse Isabel Allende avaient émis en leur temps l'hypothèse que Zorro n'était pas qu'une création littéraire de Johnston McCulley mais la reprise mythifiée d'un véritable personnage à qui l'on avait prêté un rôle héroïque. Dans ce cadre, j'avais acquis pour ma part mais sans pouvoir le démontrer à l'époque la certitude que Bernardo, le fidèle serviteur de Zorro, ne pouvait être ce personnage secondaire sourd, muet, extatique et drôle, simple faire-valoir du héros. J'étais convaincu qu'il avait sans nul doute joué un rôle prépondérant et ignoré des historiens trop occupés à répondre à la légitime impatience de leurs commanditaires. L'occasion me fut donnée, après avoir gagné une certaine légitimité de chercheur au sein de mon université, de pousser plus loin mes investigations au sujet de ce Bernardo, en même temps qu'un éditeur un peu aventurier me proposait d'écrire une fiction historique sur ce sujet. C'est l'histoire de cette double quête que je me propose de relater ici, au plus près de la réalité.
Pour le biographe, la bibliothèque est ce que le stratège est au combat, l'armée au dictateur : un allié objectif à la fondation de toute recherche, le régulateur de la pensée et l'horizon du bonheur d'écrire. Las, la bibliographie traitant de Bernardo in nomine est quasi inexistante, et le travail de l'écrivain et du chercheur ressemble davantage à la reconstitution d'un puzzle qu'au traditionnel collectage d'informations.
Très étonnamment, ma première grande surprise de chercheur a été de constater l'incroyable foisonnement de représentations imaginaires autour des personnalités de Zorro et de Bernardo, au point de ne plus pouvoir déceler une vérité historique au sein de l'imbroglio de faux témoignages plus ou moins romanesques.
Je remercie ici les discrets mais efficaces soutiens qui m'ont à la fois guidé et orienté durant cette incroyable affaire : Martin, Alessandra, Linda, Safina et le département d'anthropologie sociale de l'université de Paris XIII.
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