Ce singulier phénomène a frappé les contemporains. Saint-Just, qui a passé sa courte et sombre jeunesse à s’étonner de ne point vivre à Lacédémone, se demande la cause de cette assiduité aux théâtres les plus vulgaires, et il la trouve surtout dans les facilités accordées aux membres des sections et dans le grand nombre d’agents que le gouvernement centralisé à Paris était contraint d’y entretenir. « La Feuille villageoise et la Décade philosophique, dit M. Baron, donnent une explication en plusieurs points conforme à celle de Saint-Just. Elles y ajoutent les fortunes créées par l’agiotage sur les assignats et par les spéculations sur les biens nationaux. » Tout cela explique bien comment il se trouvait un public nombreux pouvant aller au théâtre, mais n’explique nullement ni l’intérêt léger qu’il y portait, ni le caractère frivole des pièces qu’on lui servait au milieu d’événements dont le tragique spectacle semblait de nature à absorber, non pas seulement les convictions sincères, mais la plus égoïste curiosité. Peut-être l’explication la plus simple de ce fait étrange est-elle dans l’invincible force des habitudes, et dans cette légèreté d’esprit dont tant d’épreuves diverses ont quelque peu corrigé notre race, sans la modifier autant qu’il le faudrait.
Le 5 octobre 1789, au moment où le peuple de Paris, Maillard en tête, se ruait de Versailles, Louis XVI se livrait à son plaisir favori, la chasse. Prévenu de ce qui se passait, il revint à Versailles ; mais le soir, comme c’était un prince fort méthodique et fort rigoureux observateur des petites habitudes dont il s’était fait un devoir, il eut soin d’écrire dans son journal : Tiré à la porte de Châtillon, tué quatre-vingt-une pièces. INTERROMPU PAR LES EVENEMENTS.