J'avais tellement souffert de devoir obéir à une ligne de conduite que je ne partageais plus. Ma dernière année dans la clandestinité a été bien plus difficile à assumer que la prison. Quand j'ai été arrêtée, ce fut une libération. Je pouvais enfin lire et écrire ce que je voulais.
Nous avons eu un comportement fanatique ! Je ne saurais dire à quel moment nous avons franchi la barrière. Il n'y a pas eu d'arrêt dans l'escalade. Pas de réflexion sur ce que nous faisions. Sur nos actes réels. Il y avait un raisonnement abstrait sur le monde et celui-ci impliquait des actions. On agissait, c'est tout ! Aujourd'hui, j'ai envie de dire que nous étions paumés, mais à l'époque nous étions les sauveurs du monde.
Après mon arrestation, la prison est arrivée comme une libération. C'était un lieu où je pouvais à nouveau exprimer ma liberté. C'est fou, mais c'est ainsi. Au moment où j'ai été arrêtée, je n'étais plus liée à aucune organisation. Je pouvais enfin redevenir moi-même, sans plus aucune responsabilité collective.
Je venais d'un milieu petit-bourgeois, je découvrais les ouvriers en leur portant la bonne nouvelle, je me rappelle qu'ils ne nous accueillaient pas à bras ouverts mais, dans notre orgueil, on se disait qu'ils ne pouvaient pas comprendre les défis qu'on relevait.
Et qu'ils nous remercieraient plus tard !
Nous sommes des clandestins dans ce monde, nous oeuvrons pour une autre étape. Nous n'avons pas choisi la lutte armée pour le plaisir. Nos cibles sont clairement définies et identifiables, c'est l'état qui doit être attaqué et, pour que celui-ci comprenne, il faut l'ébranler. Pour le choquer, nous devons organiser des actions de choc.
Ils m'ont enlevée en tant que journaliste car ça a un retentissement. Je leur ai expliqué qu'en faisant cela, en empêchant les journalistes de travailler, ils allaient contre leur propre camp. Mais ils n'étaient pas dans cette logique-là.
Le regard de ceux qui connaissent mon passé est toujours très difficile à supporter.
Les politiciens modérés demandent des droits pacifiquement et ils n'obtiennent rien. Le statu quo n'est plus tolérable. Il faut se battre. Il faut réclamer ses droits, il faut les obtenir surtout.
Echanger son point de vue jusqu'au bout de la nuit en même temps que sa bière, sa cigarette et sa petite culotte... une expérience magnifique !
Si tu entres parmi nous, il n'y a pas de chemin de retour. Tu ne pourras pas dire "je me suis trompée". Ta vie appartiendra à la Cause.