Fanny Twice

Chapitre 4 :
«…À quelques mètres de moi, un homme, qui n’a sûrement pas remarqué ma présence, tire sur le harnais de son cheval qui semble réticent à rentrer au bercail.
Doucement, il se place face à l’animal et s’accroupit. Il laisse la longe se détendre tandis que la bête recule de quelques pas, visiblement anxieuse. Lui ne bouge pas. Il patiente. Le cheval se rapproche alors doucement jusqu’à poser son nez sur l’épaule de cet inconnu. Tous deux restent dans cette position pendant plusieurs secondes jusqu’à ce que l’homme se relève en posant sa main sur le front de l’animal. Aussitôt, celui-ci abaisse la tête à son tour, semblant coopérer. La peur et l’appréhension qui tenaient la bête en tension ont disparu comme par enchantement.
Waouh, il fait des miracles !
Impressionnée, je m’apprête à m’approcher afin de l’interroger sur sa manière de faire mais quand il lève le visage et m’aperçoit, il se fige immédiatement. Nos yeux se croisent très brièvement, son regard ayant déjà quitté le mien pour fixer le sol.
Abasourdie, je l’observe un moment pendant qu’il regagne l’écurie. Son âge est difficile à estimer vu ses longs cheveux épais et ondulés qui cachent la moitié de son visage ainsi que sa barbe plus que négligée. Ceci dit, il a l’air plutôt jeune. Il porte un jean et un tee-shirt avec une inscription illisible d’où je suis. Les traits de son visage me paraissent étranges mais j’ai du mal à le voir avec la pénombre, d’autant plus qu’il garde la tête baissée.
– Qu’est-ce que tu fais ?… »

Chapitre 9 :
«… Elle est prête à me tomber dessus et je n’ai plus, à cet instant, la présence d’esprit de me décaler pour éviter qu’elle ne m’écrase directement la cage thoracique.
Oh mon Dieu, je vais mourir…
Complètement effrayée par ce qui m’attend, je ferme les yeux très fort et me mets à hurler à en perdre la voix. Lorsque je sens mon dos heurter le sol en cailloux et que ma tête cogne violemment sur cette surface dure, je place instinctivement mes bras devant moi pour tenter d’amortir le choc avec l’animal. Mais finalement, je ne reçois qu’un coup sur mon genou droit.
Ce n’est que lorsque je sens un souffle et des chatouillis sur mon front que j’ose affronter la réalité et ouvre enfin les yeux. Ma respiration se bloque quand j’aperçois deux billes dorées me scruter.
Le visage balafré de l’homme me sort immédiatement de ma torpeur. Il est juste au-dessus de moi, les mains de part et d’autre de ma tête, à plat sur le sol. Comme il se trouve à peine à quelques centimètres de mon visage, je peux voir chaque détail de sa peau abîmée. Cependant, ce sont ses yeux qui m’interpellent le plus. Ils sont profonds et couleur miel, cernés de longs cils noirs. Sublimes.
Tandis que je le dévisage, ses cheveux formant un rideau autour de mon casque, j’ai l’impression que le monde s’est arrêté de tourner. Sa respiration est aussi saccadée que la mienne et il me fixe sans sourciller, comme s’il attendait que je reprenne mes esprits… »

-Ça t’apporte quoi, concrètement, de jouer à ce truc?
-Ce truc? répète-t-elle en arquant un sourcil.
(Merde, je m’enfonce!)
Avant que je n’aie le temps de m’excuser, elle me répond :
-Ça m’apporte autant que ce que ça t’apporte de courir après une balle, j’imagine…
Passé la surprise de sa réponse, je me mets à rire ouvertement.
(Elle a du répondant finalement! Et je préfère largement ça.)
-Touché!

Chapitre 12 :
«… Ce salaud vient bien de me dire non !
Tandis que j’écarquille les yeux, lui continue de me fixer avec ce regard méfiant.
Putain Liv, casse-toi d’ici !
Et pourquoi ? signé-je, intriguée – et un brin vexée, je l’avoue.
En guise de réponse, j’ai uniquement droit à un léger haussement d’épaules. Je devrais lui hurler dessus, ou bien partir en courant. Pourtant, je n’en fais rien. Je reste plantée là telle une idiote.
Vu qu’il ne réagit toujours pas, je soupire fortement avant de faire volte-face.
— Je voulais juste te remercier de m’avoir sauvé la vie, crétin ! braillé-je en marchant vers la sortie.
— De rien, me répond une voix grave.
Attends… quoi ?!
Les sourcils levés, je me fige quelques secondes avant de me retourner lentement.
— Mais alors… tu parles ?… »

Retrouver le contact de ses lèvres sur les miennes m’avait tellement manqué que mon corps se couvre instantanément de chair de poule. Quant à mon cœur, j’ai la sensation qu’il bat de nouveau. Vite et fort, à la hauteur de ce que je ressens pour lui.

Quelques secondes plus tard, je suis tirée de ma rêverie par un bruit dans le fond des écuries. Des sons de fer sur le sol résonnent dans un froissement de paille. Discrètement, je passe le visage à travers la dernière porte et comprends immédiatement qui est en train de repailler les box.
Je me dois d’aller remercier Collin pour son aide. En même temps, vu le premier échange que nous avons eu, je n’ose pas aller lui parler. Il semble si impénétrable, si secret. Le peu de fois où j’ai croisé son regard, j’ai eu l’impression de le déranger. Bien que très intimidée à mon tour, je reste stoïque en attendant qu’il remarque ma présence. Collin vient enfin de se rendre compte que je suis là étant donné la manière dont il s’est immobilisé. – Salut, murmuré-je. Je ne sais pas s’il m’a entendue mais il se retourne lentement et quand il m’aperçoit, il paraît… effrayé ?
Durant quelques secondes, nous restons là à nous regarder dans le blanc des yeux, moi la bouche entrouverte en réfléchissant à ceque je vais bien pouvoir dire et lui, accroché à sa fourche, les yeux ronds de stupeur. Il penche légèrement la tête sur le côté, faisant mine de ne pas comprendre ce que je fais devant lui. De mon côté, je me demande si j’ai bien fait de venir lui parler. Il reste silencieux, immobile, comme s’il ne m’avait réellement pas entendue. Me vient alors une idée.

- Dans ce milieu, l'image est très importante mais ce n'est pas ce qui fait d'une personne ce qu'elle est vraiment.

Je ne comprends pas tout de suite où elle veut en venir.

- Tu as compris le plus important mon petit, continue-t-elle. Ce n'est pas le reflet du miroir qui importe le plus ... mais le véritable reflet. Celui de l'âme.

Tout le monde commet des erreurs dans la vie. Personne n’est à l’abri d’événements difficiles qui peuvent conduire à prendre des décisions absurdes. Tout ce qui compte au final, c’est de s’en rendre compte et de rectifier ses agissements dans la mesure du possible.

Il a cette capacité à me pousser à bout, qui fait que j’ai envie de l’étrangler d’abord, mais ensuite, tant de compréhension et de douceur s’ajoutent à son comportement désinvolte que ce cocktail de dureté et de tendresse me permet d’accomplir des choses inédites.

Je respire calmement pour ne pas l'effrayer. Ma poitrine se soulève et s'abaisse à un rythme régulier et mon sourire s'élargit au fil des secondes qui passent.
Mes doigts serrant toujours la main de Soen, je fixe le ciel durant quelques secondes avant de tourner ma tête sur le côté. Son visage s'approche de moi et ses yeux m'envahissent d'un regard brillant.
Étonnamment je me sens comme mise à nu, exposée à lui. Je ne fais plus qu'un avec l'animal et je suis prise d'une forte émotion mêlant plaisir et fierté.
Encore une fois, nous sommes emportés dans ce tourbillon de regard bine à nous. Suspendus comme si le regard de l'un tient celui de l'autre debout.