Citations de Federico Tarragoni (22)
Le populisme ne désigne pas des mouvements politiques sui generis, mais des configurations de crise au cours desquelles l'ordre institutionnel est critiqué au nom d'une radicalité démocratique, et les champs politique se recomposent, souvent pour une durée limitée. (pp.162-163)
"À chaque époque, écrivait Walter Benjamin en 1940, il faut tenter d'arracher derechef la tradition au conformisme qui veut s'emparer d'elle." (p.37)
Comment, dans des sociétés démocratiques qui privent de plus en plus les citoyens de leurs libertés fondamentales (se réunir, manifester, échanger, circuler, critiquer, etc.), peut-on regarder l’émancipation avec méfiance ?
Repenser le populisme est donc devenu indispensable. Le mot est au cœur d'une controverse autour de laquelle se joue notre futur. Il est de ces moments historiques ou un mot cristallise l'avenir : la « démocratie » fut le premier de ces mots. Tout au long de la l'institutionnalisation des gouvernements représentatifs en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en France, le mot « démocrate » était, comme le « populisme » aujourd'hui, une insulte équivalente à « démagogues ». En le reprenant à son compte, une partie du système politique fit avancer la cause de la liberté, de la justice et de l'égalité. Avec le populisme nous nous trouvons dans une bataille similaire : une bataille d'idées ou les mots tracent les limites de notre condition démocratique, dans un moment où celle-ci se transforme profondément et rapidement, et peut avancer ou reculer.
Pour la première fois depuis longtemps, depuis Mai 1968 peut-être, l'écart entre les aspirations démocratiques des gouvernés et celles des gouvernants est devenue une brèche impossible à colmater. Nous traversons, à proprement parler, un moment populiste. (p.353)
Le populisme marque le point de passage entre une démocratie libérale devenue trop excluante et illégitime, et une démocratie radicale, plus égalitaire et plus juste, qu'il ne peut pas créer tout seul. (p.297)
Le charisme [populiste] repose sur la capacité du leader à créer avec des individus qui ne se sentent pas représentés une relation verticale, certes, mais productrice d'égalité. (p.285)
C'est la spécificité du populisme: en critiquant la démocratie représentative libérale, il cherche à créer les conditions d'une représentation démocratique plus inclusive, plus effective et plus enchantée. (p.283)
Le mouvement populaire n'a pas besoin d'un leader charismatique pour exister: il en a besoin pour s'institutionnaliser politiquement. (p.281)
Les populismes traduisent un conflit social naissant en conflit symbolique et politique, allant de la part du peuple en démocratie à la place des classes populaires dans le récit national. (p.225)
Cette politique [populiste] est faite de solidarité, de partage, de coopération mais, aussi et surtout, de résistance à la modernité. (p.176)
La démocratie est, par définition même, un régime qui nécessite des crises, des critiques, des contestations, pour survivre. Car la promesse radicale d'égalité, de liberté et de justice contenue dans la politique démocratique n'est, par définition, pas réalisable; en ce sens, les démocraties comme régimes de gouvernement sont toujours incomplètes. (pp.116-117)
La possibilité qu'au nom du peuple puissent s'arrimer des demandes démocratiques, comme cela a été le cas tout au long de notre modernité politique, est en train d'être évacué du champ du dicible et du pensable. (pp.51-52)
Dans les sociétés modernes, les individus ne se sont pas construits en s’émancipant de la tradition en tant que telle, mais des tutelles oppressantes qu’elle exerçait sur elles et eux : la tutelle religieuse, la tutelle familiale, la tutelle patriarcale, et ainsi de suite
aucune émancipation individuelle n’est possible lorsque défaillent les protections collectives offertes par les droits sociaux, les institutions, les groupes d’appartenance
Cette nouvelle répartition des silences et des voix est le principe même de l’émancipation
L’émancipation moderne met en jeu un conflit entre deux collectifs, l’un de dominants, l’autre de dominés : c’est pourquoi il n’y a pas d’auto-émancipation sans association, ni d’émancipation sans rapport au collectif
Au contraire ce dont nous avons besoin pour l’avenir, c’est de rendre visibles, audibles et pensables les nombreuses tentatives d’émancipation qui voient le jour dans la vie sociale : non ce qui est doit être, mais ce qui est déjà là
C’est pourquoi l’émancipation ne vas jamais de soi. Sans être impossible, elle n’est jamais banale ; sans être omniprésente dans la vie sociale, elle et moins rare que ce que l’on pense
Elle n’est ni derrière comme un mythe du passé, ni devant nous comme un lendemain chantant ; elle est dans le présent des luttes contre la domination, qui nous entourent et nous traversent