Fernando Henrique Cardoso

Pour moi qui ai eu l'occasion et la chance de rencontrer Fernando Henrique Cardoso, de traduire la biographie de Joaquim Nabuco, et de travailler quelques temps plus tard avec la fille d'Antonio Candido, ce livre est une véritable aubaine.

Réunissant conférences, entretiens, souvenirs, et recherches, Fernando Henrique Cardoso nous dresse un portrait original du Brésil à travers ses grands maîtres de la pensée ; aussi bien hommes politiques que sociologues et poètes et écrivains.

Fernando Henrique Cardoso nous parle ici de Joaquim Nabuco, Antonio Candido, Sérgio Buarque de Holanda, et Gilberto Freyre, entre autres. Nul besoin, presque, de connaître ces grands noms brésiliens pour apprécier leur œuvre et leur contribution à la grandeur intellectuelle du Brésil. C'est mieux si on les connaît, mais vraiment, ce n'est pas nécessaire. En bon professeur et diplomate, FHC sait nous expliquer et nous décrire, nous présenter ces hommes de manière claire et précise sans qu'on n'ait jamais l'impression d'avoir raté quelque chose.

Chaque portrait peut se lire séparément, et c'est aussi ce qui fait la force ce livre, outre son caractère éminemment oral. Si un personnage ne nous plaît pas, pas la peine de s'attarder !

J'ai eu la chance de rencontrer l'ancien président du Brésil Fernando Henrique Cardoso un jour à Lisbonne. Un homme fort encore pour ses quatre-vingt-cinq ans (à l'époque), une classe étonnante, et surtout une voix grave dont on voudrait qu'elle n'arrête jamais de nous parler du Brésil. Ce jour-là, il voulait parler en français, mais pas du Brésil. La situation de son pays lui faisait trop mal au cœur. Je veux bien le croire, car on ressent dans ce livre une véritable tendresse, un véritable amour pour son pays. Il n'a pas juste été président de la république. Avant cela, ce sociologue émérite et passionné a étudié son pays avec les plus grands noms, et tenté d'en tirer le meilleur pour le Brésil.

Ce petit livre, ce recueil d'entretiens, dresse le bilan de sa vie professionnelle et d sa carrière politique, mais pas que. C'est aussi l'occasion pour ce monsieur plus tout jeune de faire preuve d'un incroyable optimisme quant à l'avenir de son pays. Il y annonce aussi clairement les déboires que le Brésil connaît aujourd'hui, mais sans doute ne s'attendait-il pas à une crise si profonde.

Faussement dépeints en Europe comme des feignants qui passent leur temps à la plage, il faut reconnaître aux Brésiliens qu'ils ne font jamais les choses à moitié. En bien comme en moins bien.

Depuis la fin de son mandat, Fernando Henrique Cardoso est resté très actif, notamment auprès des Nations Unies. Drogues, femmes, jeunesse, éducation, tout y passe. Il a commis des erreurs, certes, mais comment ne pas en faire quand on se retrouve à la présidence d'un pays toujours pas totalement sorti de sa dictature militaire ?

Aujourd'hui, sa vision claire, dynamique, et optimiste laisse espérer que, peut-être, après s'être vautré dans la corruption (pour encore combien de temps ?) et la plus profonde bassesse humaine, le Brésil, avec son peuple beau, fort, et fier, aura le courage d'assumer son rang de très grand et très important pays sur la scène internationale.