Fiona Harper

Quand Rob, son mari, avait été tué en Irak à l’âge de vingt-trois ans, elle avait eu l’impression que tout s’écroulait autour d’elle et qu’elle serait incapable d’élever seule la jolie petite fille qu’elle venait de mettre au monde. Finalement, elle avait pris un tel plaisir à s’occuper du bébé que son chagrin s’était peu à peu estompé. Daisy avait été son rayon de soleil et, sans les mille et une joies qu’elle lui avait procurées, elle ignorait comment elle aurait survécu.

« Je te connais, maman. Tu as eu beau me dire et me redire que tu avais plein de projets et que tu allais acheter un café ou un salon de thé parce que tu en avais marre d’être une simple employée et de te faire houspiller du matin au soir par les clients du Coffee Bean, je sais que tu n’oseras pas rendre ton tablier à tante Caz et réaliser tes rêves.

» Tu es trop prudente pour renoncer à tes bonnes vieilles habitudes et pour changer radicalement de vie. Alors, j’ai décidé de te donner un coup de pouce et de t’obliger à sortir de ton cocon.

Oui, elle savait bien que Gemma avait des journées de travail chargées, qu’il lui était difficile de passer ou de prendre des appels personnels, qu’elle ne disposait la plupart du temps que de quelques minutes pour répondre à ses textos tard le soir. Elle s’en vantait assez souvent lors de ses rares visites éclair à la maison.

Je suis injuste, pensa Juliet.

En réalité, Gemma ne se vantait pas. C’était juste cette façon qu’elle avait de raconter des anecdotes concernant les tournages auxquels elle participait, les gens fantastiques qu’elle rencontrait ou les endroits exotiques qu’elle visitait… Juliet supposait que, quelle que soit la façon de parler de ce genre de vie, il serait difficile de ne pas la trouver plus passionnante que celle d’une simple femme au foyer de banlieue.

La dernière fois qu’elle avait vu Gemma, c’était lors d’un barbecue pendant les vacances, en août dernier. Juliet avait enfin réussi à la coincer pour lui demander de faire sa part du travail au Noël suivant. A sa grande surprise, Gemma avait accepté, mais, depuis, Juliet n’en avait plus entendu parler. Chaque fois qu’il s’agissait de la famille, Gemma prenait la poudre d’escampette.