Citations de Florence Pazzottu (18)
Alors…
alors
est un suspens
élan
qu’une lenteur soutient
(enlevante douceur)
de la nuit le noir aiguillon…
de la nuit le noir aiguillon
langues amers méandres
mûrit la voix
lève la terre
par la mort
enchantée
inachevée en son murmure
mûrit la voix lève la terre
larves et graines promises éprises
haut deuil
chant d’os de roche frisson de chair
haut deuil
rien n’est silence
en son cercle indolent
douleur d’éternité
chavire
presque accompli
chavire
son sang brouillé
/Le Nouvel Ecriterres, N° 3, Automne 1990
j'y suis (triptyque)
2. poème du moi inconnu
L’autre est à ce point mon intime
depuis le commencement ; certains
ont souhaité pour moi une peau
plus épaisse ; je n’en ai pas. Les danses
de ma langue ont créé
l’illusion d’une circonférence ; l’éclat dur
du poème a repoussé l’instant
de la dissolution ; l’autre en moi exigeait
de connaître l’étreinte et sa distance ; − naître
était le chemin qui nous manquait : j’y suis
(tout est à faire). Croyez-vous
qu’il soit plus facile, sur ma
barque étroite
(sans rames ni étendard, sans
le soutien de la communauté dont le dégoût
de soi de bon ton est le signe, sans même le
secours d’un renoncement tranquille ; avec
ma joie tranchante, les trouées
de l’angoisse, l’étrangeté de mon souffle), de se
tenir debout
dans la douleur du monde ?
p.144
SANS TITRE
venir avec les pierres
près des sources froides
ma mère s’en allait loin des branches
les herbes glissent dans le soir
il y a la maison avec la seule lanterne
les mots
sont plus grands
j’écris d’ici
p.186
Eric Sautou /extrait de CANOË
f. comme flûte *
(en trois mouvements et un astérisque)
2.
Ma marraine était croyante
je la suivais quelquefois
sans jamais accepter l'hostie
mais attentive aux petits riens
qui tressautaient entre les rangs
Elle était infirmière aussi
comme ma mère l'avait été
qui – elle – n'allait pas communier
et acceptait de répondre
à mes précoces questions
éclairant même de récits
les dessous de la conception.
C'est à l'âge de sept ans
que m'atteignit précisément
le nom de mon plat favori
et je repoussai net l'assiette :
comment avait-on pu oser
me servir l’agneau de la foi
comme un vulgaire placenta
mi-cuit et saignant devant moi ?
mort d'un nihiliste
(poème immobile)
1.
s’attarde la blessure dure le temps
d’enfance
affleurant son haleine le lait bl
eu de son cœur
monta
jusqu’à ses lèvres
et ses tempes étaient dures
contre le front du ciel
2.
l’orme soulignait l’heure
solennelle du soir
du souci
de ses feuilles
pas une
ne tomba
assourdie et ombreuse
sur la bouche du mort
3.
le geste lent de l’orme le
protège
de l’immobile
la lune vide
trop vite venu
le rien
et tout pourrait
recommencer
p.121-122-123
f. comme flûte *
(en trois mouvements et un astérisque)
1.
Au son de ce mot : pipeau
(à la vue de l'objet) je
me braquais déclarant
aussitôt (j'avais presque
douze ans) que je ne mettrais
pas ce machin dans ma bouche.
Toute une année vainement
j'essayais de pincer
Jeux interdits sur les six
cordes. Ma classe de sixième
pipeautait joyeusement :
autour de ma guitare
comme dans un trou noir
l'univers semblait se défaire.
séquence 1. Treize SMS tressant poème
extrait 4
J'ai cru qu'il allait pleuvoir. Oui j'aime cette ville
malgré tout — imprévisible douce et âpre. Tout
le monde parle à tout le monde. Tiens je suis en
bas de ta rue (30 août 14 à 11h)... Soit.
Dans l'opacité des éclairs de compréhension
font parfois une trouée qu'on ne peut et ne doit
par des mots colmater. De même certaines marches
ne proposent n'inventent d'itinéraire dans
la nuit mais font exister le petit pas si dense
qui sépare deux pensées et deux corps — pas qui peut
être tour à tour passerelle ou bien fossé. Ce
n'est pas seulement parce que tu ne comprendrais
pas mais dire aggraverait la disparité et
risquerait de changer le petit pas en fossé.
(...)
Alors …
alors – poèmes ?
d’où tombés ? d’où s’élèvent ? vont si vite !
font-ils formes ? fondent-ils ? (forme fonde)
des dehors-au-dedans
s’ils font abri sont seuils (d’un trait ils font espace)
et le profond va vite
alors - ce que tout poème est
un froissement du temps un espace
un énigmatique lancer
un jet qui dure
une extension de la pensée
dans la plus dense
- une trouée
*un qui - de n'être plus ce nu mêlé
ce cœur confus toujours ému
qu'aucun atteint / que tout pénètre
Lunettes envolées dans un train désert image
muette aussi irrémédiable que d’un ami
le silence – restent les visages et l’énigme
qu’ils sont : une lune énorme griffée par les arbres
déchirant mon coeur comme le pourquoi des enfants
(7 avril 11 à 20 h 13)… Mon intuition :
tu te concentres sur le travail tu gagnes le
combat contre toi-même tu découvres ce que
tu sais déjà (mais) : qu’il y a une affirmation
qui est à la fois audace et écoute la plus
vaste jamais une domination – tout le reste
suivra (amour etc.) se déploiera à
partir du mur du jardin – frontière ouverte où se
font écho le bruissement de l’atelier et le
chant du dehors (8 juin 12 à 10 h)… Merci pour
Libération. J’avais pensé t’envoyer ce seul
mot – un cri de victoire – malgré le réveil à
6 h ce matin tu me devances (14
août 14 à 6 h 38) j’espère que
tu traverses déjà ta tristesse et t’abandonnes
à la douceur… Tu ignores tout du Hollandais
volant ? Il dirige un navire fantôme mais
suscite et éprouve un amour vrai – n’est-ce pas mieux
au fond que l’inverse ? (13 août 14 à 9 h)…
L’homme sait
Que Poésie n’évite rien.
Son amour de l’expérience
doit lui apprendre à se défendre
du pleinement dont elle est grosse
– que poésie se sache trouée ! –
Une discipline d’étonnement ?
Il faut bien néanmoins que poème
se fixe, fasse l’épreuve dure
– du chiffre et du récit !
se ressembler
quelle ineptie
il se pourrait
que mine de rien
soit ma plus intime
figure
nulle gravité
que ne soutienne
une profonde
désinvolture
séquence 1. Treize SMS tressant poème
extrait 3
frontière ouverte où se
font écho le bruissement de l'atelier et le
chant du dehors (8 juin 12 à 10h)... Merci pour
Libération. J'avais pensé t'envoyer ce seul
mot — un cri de victoire — malgré le réveil à
6h ce matin tu me devances (14
août 14 à 6h30)... Merci aussi pour
les stries du ciel hier et la mer bleu uni (12
août 14 à 6h38) j'espère que
tu traverses déjà ta tristesse et t'abandonnes
à la douceur... Tu ignores tout du Hollandais
volant ? Il dirige un navire fantôme mais
suscite et éprouve un amour vrai — n'est-ce pas mieux
au fond que l'inverse ? (13 août 14 à 9h)...
séquence 1. Treize SMS tressant poème
extrait 2
Lunettes envolées dans un train désert image
muette aussi irrémédiable que d'un ami
le silence — restent les visages et l'énigme
qu'ils sont : une lune énorme griffée par les arbres
déchirant mon cœur comme le pourquoi des enfants
(7 avril 11 à 20h13)... Mon intuition :
tu te concentres sur le travail tu gagnes le
combat contre toi-même tu découvres ce que
tu sais déjà (mais) : qu'il y a une affirmation
qui est à la fois audace et écoute la plus
vaste jamais une domination — tout le reste
suivra (amour etc.) se déploiera à
partir du mur du jardin —
…
séquence 1. Treize SMS tressant poème
extrait 1
Tout me touche aujourd'hui même ce peu de pluie la
pâleur de ma rousse petite lune patraque
qui s'inquiète et l'éclat de voix colérique de
cette jeune mère blonde que je côtoie dont
tant je redoute les grands yeux bleus blessant le soir
cet ami venu chercher un câble dont j'ignore
tout — à quoi sert-il et que raccorde-t-il dans ce
monde où tout s'emmêle et tout discorde ? — et qui me dit
un peu de son voyage en Palestine la peur
la fouille au corps et les check-points me touche surtout
vos quelques vers Ami votre pensée enfin qui
m'ouvre un ciel une source — bleue dites-vous ? si loin
du salut des jonquilles ? (5 juin 7 à 11h).
...
(un rêve)
douceur d'ailes hissant
abeilles invisibles dans
mes cheveux prises soulèvent
stupeur mais sans heurt
d'un ciel touchant
p48