Je plante mes mains dans le jardin
Et je sais, je sais, je sais, je vais verdir
Et dans mes paumes violacées d'encre
Les hirondelles vont venir pondre
J'accroche deux boucles de cerises rouges à mes oreilles
Je colle des pétales de dahlia sur mes ongles
Il existe une rue
Où des garçons les cheveux en bataille
Le cou mince et les jambes maigres
Étaient amoureux de moi
Et pensent encore aux sourires innocents d'une feuille
Qu'une nuit le vent a emporté
Il existe une rue que mon cœur a volé
Aux quartiers de mon enfance
Forme en voyage sur la ligne du temps
Avec une forme féconder la ligne sèche du temps
La forme d'une image en conscience
Qui revient de la fête du miroir
Et c'est comme ça
Que quelqu'un meurt
Et quelqu'un reste
Aucun pêcheur ne trouvera de perle dans un pauvre ruisseau
Coulant au creux d'un fossé
Moi
Je connais une petite fée triste
Qui habite un océan
Et qui souffle son cœur dans une flûte en roseau
Si doucement, doucement
Une petite fée triste
qui la nuit meurt d'un baiser
Et d'un baiser au matin renaîtra
Extrait de Seule la voix demeure, © Coédition L'Oreille du loup, Universitad Autonoma de Sinaloa, 2011
Merci à Mathias Enard et son beau livre Boussole qui m'a offert, entre beaucoup d'autres, la joie de découvrir Forough Farrokhzad