Ma campagne cachait mes amours dans
des nuits sans loups avant
que la folie ne me fût plus égale
Ahuri j'ai marché à travers une forêt de bras
m'égratignant aux ronces de mon présent malade
Car nous ne parlions plus
la même langue
nous ne portions plus
le même habit
Pour guérir
j'ai attendu que
vienne la poésie
Mains
extrait 2
Peser de mon poids ? jamais je n’ai osé imposer mes mains
même pour soigner
Je suis celui qui s’efface mais se croit parfait comme le nuage
qui laisse au ciel sa place
Oh ! ma crainte quand je cherche le bleu et que dans sa colère
la terre avale mes couleurs !
…
je couds mon drapeau blanc…
je couds mon drapeau blanc
pour le planter en haut
des pierres noircies
par cette terre par cette cendre
passé que je déblaie
sentez-vous donc le parfum
neuf de l’humus
mon oxygène mon alphabet ?
Je tisse mes mots sur le métier
cent fois cent fois je remets
mon ouvrage et s’ouvre
la fenêtre de la première maison
avant toute une rue avant tout un village !
je ne veux emporter sur la barque …
je ne veux emporter sur la barque qu'un stylo et une rose
un trait à ce passage suffit un mot
et respirer un reste de parfum
je me prépare une mort riche et sans regrets
il faut juste
un peu de ferveur
quelques sursauts amers
cette aveuglante lumière
et ma maison blanche avec sa pelouse verte
je n'ai plus aucune peur quand j'ai encore des mots
Mains
extrait 1
Le tremblement de ta main
quand tu m’as tendu la rose des sables
Pourquoi émue me suis-je réfugiée sous le lilas ?
Pour retrouver sans doute le chant des rondes d’enfants
Ton regard bleu
qui m’a suivi de loin
et la courbe arc-en-ciel
de l’adieu de ton bras
Je suis partie en larmes
serrant cette fleur de pierre
Je suis tiraillée
extrait 1
Je suis tiraillée par l’idée que le Lieu toujours l’emportera sur l’Autre. Comme des grottes de Lascaux dans leur éternité. Puisque à leurs traces survivront tous les murs. Disons plutôt les pierres qui toujours peuvent servir.
Quelques jours après avoir eu cette certitude j’éprouvai, très tôt un matin, avant même de me lever, le besoin d’écrire longuement, sans l’avoir du tout prévu et, comme sous la dictée, les pages suivantes sur un sujet nouveau pour moi mais essentiel. Je m’aperçus en conclusion – j’en avais eu l’intuition en parlant du « lieu métaphysique » - qu’il y avait encore plus à dire. Comme une solution décisive, sous forme de miracle, à la question apparemment insoluble du lieu.
…
Je recopie ces derniers paragraphes
extrait 2
Je recopie ces derniers paragraphes une fois rentrée de vacances, me rendant compte que j’ai relu d’autres passages, feuilleté mon dossier, fait des calculs proportionnels tentant d’évaluer le nombre de pages qu’il me restait à écrire. Et par là même retarder ma relecture et ma copie du brouillon sur l’écran sans doute en raison d’une certaine appréhension à vivre la réalité du choc. J’ai ainsi plusieurs fois refermé mon cahier bleu pâle à la tranche dorée, un paperblanks encore, et remis mon travail au lendemain. ...
LES TESSELLES DU JOUR
extrait 3
XXX
Entre l’orée et l’horizon il y a mon personnage : bouche ouverte ivre des syllabes qu’il compte comme autant de gouttes patient vénéfice* jamais épuisé de mes textes
Et l’avis unanime des amis quand j’ai voulu partir pour valdemosa non je n’ai pas fermé mes livres oublié mes carnets j’ai même emporté ce qu’il faut pour séduire
Car j’aime les arrivées les bords des lacs où ricochent sur l’eau les pièces du souvenir
* vénéfice : Terme d'ancienne jurisprudence. Crime d'empoisonnement par suite de sortilége.
LES TESSELLES DU JOUR
extrait 4
XXXIV
L’aube a comblé ton impatience et t’a offert la pluie comme de l’or bleu dans les trous du chemin et cette envie à la rivière d’entrer dans l’eau jusqu’aux genoux !
Puis tu regardes la roche et sens ton inquiétude un pont à traverser voilà ce qu’il te faut plus de regrets de la route bleue quand ton domaine sera nouveau
Et si tu suis la rose des vents tu sauras que tout est vrai mais au bout du chemin il n’y a rien qui t’attend
LES TESSELLES DU JOUR
extrait 1
XXV
Penché sur l’eau je regarde aujourd’hui les pierres elles font un collier à mon ruisseau et luisent comme autant de verreries j’en aime les éclats les couleurs
Quand bruit pour le bonheur de l’ouïe l’eau des cascades je marche jusqu’à la fin du jour
Sans arrêter mes pas sans m’occuper de la pluie je marche et deviens le ruisseau dont je suis le miroir il n’est plus besoin de maison mais un lit est là qui m’attend