Les confins empêchent tout retranchement. Dans un pays qui a introduit le principe de précaution dans sa Constitution, les bouts du monde lui rappelleraient à chaque seconde que l'inconfort a davantage de vertus prophylactiques que la paresse prudentielle. (p53)
p. 236 les finistères attirent les mortels parce que le néant permet d’inventer et de conquérir l’imaginaire. L’insondable donne au vertige une raison d’être qui rassure. Il projette la mort au-delà de l’horizon terrestre. Comment expliquer sinon la fascination de l’humanité pour les couchers de soleils, les déserts, les mers, l’aviation, les jetées, les plages, les observatoires astronomiques, les canopées urbaines et forestières. La frontière, c’est la fuite à perte de vue assurée.
p.241 « toutes ces frontières ne sont que des lignes artificielles imposées par la violence, la guerre, l’astuce des rois et sanctionnée par couardises des peuples » Elisée Reclus
p.30 L’isolement exacerbe la peur de l’homme et des animaux sauvages. Au fond des bois, comme au milieu des lotissements sans âmes, les deux dangers ne font qu’un : le surmoi s’affaisse derrière les rangées de thuyas ou des claustras. A défaut d’apprivoiser les fantasmes et les mythologies sociales, on s’enferme et son s’équipe de fusil.
Le sauvage est un antidote puissant et insoupçonné à la misanthropie sans pour autant nourrir la béatitude : l'isolement ressuscite l'altérité parce que les arbres, le gibier, les herbes, les insectes et nos semblables finissent par y devenir des cousins bien trop proches pour les ignorer désormais (p210).