...aucune fidélité ni "saveur de l'original" ne sont demandées pour l'adaptation des titres originaux. A un lecteur qui lui adresse un commentaire à ce sujet, Marcel Duhamel répond : "il nous serait beaucoup plus facile de les conserver, mais la plupart du temps, ils sont très plats ou intraduisibles et puis la grosse majorité des lecteurs semblent préférer des titres plus alléchants"
Si Duhamel a fait imprimer en page de titre de La Mort et I'Ange la mention «traduit de l'américain », il n'a pas poussé au-delà la mystification : ne figure donc ni le nom d'un faux traducteur ni un faux titre américain. Cependant, c'est bien I'américanité du thème et du style qui justifie la place au sein de la Série Noire de ce roman dont le protagoniste, Ben Sweed, condamné à la chaise électrique, attend son exécution dans une cellule du quartier des condamnés à mort. La véritable identité de Terry Stewart est rapidement dévoilée. Dans France- Dimanche du 13 février 1949, le journaliste révèle que « le meilleur "roman noir" américain de l'année a été écrit par un Français. [..] C'est un personnage discret, mais de nationalité française. Il a une écriture curieuse et, de plus, il n'est jamais allé aux USA. Marcel Duhamel a été, suivant sa propre expression, "bluffé", il a pour principe de ne publier que de "vrais" romans anglo-saxons. Mais M. Arcouët lui a remis un manuscrit plus vrai que nature. J'en viens å me demander, dit Marcel Duhamel, si la seule façon de faire "américain", ne serait pas de n'avoir jamais séjourné en Amérique. Cela prouve en tout cas que le style "noir" est entré dans les meurs littéraires françaises. »
Et ce passage de la Série Noire a la « Blanche », comment est-il vécu ? Est-ce une nécessité ? la marque de la perte de vitesse d'une collection, d'une plus grande mixité et d'une évolution du genre, du non-renouvellement du lectorat du roman policier, de l'obsolescence d'un modèle économique (le roman policier à bas prix, inapte à rémunérer des auteurs qui ne publient qu'un livre tous les deux ou trois ans) ? Tous ces arguments sont recevables. Jean-Bernard Pouy a son avis bien à lui sur la question :« Les auteurs noirs qui passent à la blanche, c'est un peu comme des gauchistes qui passent au PS en croyant continuer le combat. >»