Extrait du disque "La véritable histoire du haricot magique"
Coup de coeur 2011 de l'académie Charles Cros
Un an plus tard, c'est au tour du quatrième fils. Lui se rend au jardin monté sur un cheval, un sabre à la ceinture. Dés que la nuit tombe, il tourne avec son cheval autour du dattier. Il marmonne entre ses dents :
- Viens voleur, viens, je t'attends. Viens, voleur , viens, je t'attends. Quoi! Tu ne viens pas, voleur? Tu as peur? Tu zs vu que je n'étais pas comme mes frères. Je ne suis pas un rêveur, moi. Je ne suis pas romantique, moi. Je suis un guerrier, moi, un guerrier sans pitié! Viens, voleur, viens, je t'attends.
- Yapud'datpapa...
- Mon fils, qu'est-ce que tu dis ? Je n'ai pas compris.
- Yapud'datpapa...
- Mais enfin, articule ! Où sont les dattes ?
Le sultan reste bouche bée, les yeux écarquillés, pendant 2 heures 24 minutes et 37 secondes. C'est le temps qu'il faut pour que toute sa folie sorte de sa tête. Puis il embrasse son fils pendant encore 2 heures 24 minutes et 37 secondes. C'est le temps qu'il faut pour que toute son émotion s'exprime.
- Cher papa, chère maman, je suis né à Gondenans-les-Moulins, j'ai grandi à Gondenans-les-Moulins, et maintenant je m'ennuie à Gondenans-les-Moulins. J'en ai marre des ânes et des charrettes de foin. J'ai besoin de voir du pays. Je m'en vais à Paris.
« C’est moi le p’tit Martin de Gondenans-les-Moulins
Je m’en vais à paris pour mener la belle vie
La fortune sourit aux garçons dégourdis
et dégourdi je le suis, ma mère me l’a toujours dit! »
Aussitôt, du ciel, descend l’oiseau noir. Il plane un moment au-dessus de Zanzibar, puis se dirige vers la grande porte de la ville. Il se pose juste devant le museau du chat, écroulé en plein soleil :
- Coucou, minet ! Alors, c’est toi, la terreur de Zanzibar ? Quelle misère ! Tu f’rais pas peur à un cafard !
Le chat envoie sa patte droite. Mais l’oiseau esquive d’un bond sur le côté :
- Ben, dis donc, matou ! C’est tout ce que tu sais faire ? Tu s’rais pas un peu mou ? Gros minet gras du derrière !
« Imagine, cette nuit, des voleurs dans ton jardin… »
Le sultan tape du poing sur la table : cette nuit, le dattier sera sous haute surveillance.
« Mais à qui vais-je confier cette haute surveillance ? se demande-t-il ? Le jardinier ? Il est trop vieux. Les gardes ? Ils sont trop bêtes. On pourrait leur piquer leur pantalon sans qu’ils s’en rendent compte. Le chef de la police ? Il est trop gourmand. Il sera capable de manger les dattes lui-même et d’accuser quelqu’un d’autre. »
"Demain les dattes, demain les dattes de mon dattier"
Le sultan Toufou danse de joie dans son jardin de son jardin.
Alors le fils articule et le sultan comprend. Il comprend qu'il aurait préféré ne rien comprendre.
Un jour, il y a longtemps, sur l'ile de Zanzibar, le sultan avait planté un dattier dans son jardin. Le premier dattier qu'on ait jamais vu pousser à Zanzibar. Les années ont passé, le dattier a poussé, les premières dattes sont apparues sur les branches.