Citations de François-Xavier Putallaz (30)
[Jean de Pouilly] avait été interrompu alors qu’il défendait l’idée que la volonté suit nécessairement le jugement de la raison. On ne comprend pas immédiatement comment une thèse apparemment mineure, une simple dispute sur les mérites respectifs de l’intellect et de la volonté, a pu susciter pareille contestation.
Dante en effet est venu à la philosophie pour des raisons personnelles ; ce n’est pas qu’on n’y vienne jamais pour d’autres raisons, mais ce fait rappelle seulement qu’il n’a pas suivi ld cursus universitaire régulier.
D’après Avicenne, l’univers est organisé hiérarchiquement, selon un ordre de la nécessité croissante ; tout ce qui arrive est déterminé de façon telle qu’un effet produit par une cause qui en est la raison d’être suffisante : tout ce qui advient, tout événement contingent, trouve dans la cause qui le produit une raison nécessaire. Siger de Brabant a maintenu fermement cette axiome avicennien ; il a défendu une conception de la liberté humaine qui puisse s’insérer dans ce cadre métaphysique.
Mieux qu'un horizon, l'homme est totalement immergé dans le monde par son animalité, et il transcende totalement le monde par sa spiritualité.
l'homme ne se réduit pas à son animalité, si complexe soit-elle. Il transcende la nature biologique par ses opérations spécifiques que sont l'abstraction, l'usage de la parole, le libre choix, la contemplation, mais aussi l'activité pratique, éthique ou technique.
En ce sens, il est naturel à l'homme de n'être pas naturel, au sens où il relève de l'essence de l'être humain d'honorer sa finalité en exerçant une activité transformatrice des choses qui l'entourent.
Après plusieurs années passées à la Faculté des arts jusqu’à ce que la maîtrise lui donner d’accéder à une autre Faculté, un étudiant en doctrine sacrée devait suivre les cours de théologie ; âgé d’au moins 25 ans, il lisait ensuite l’Écriture Sainte (bacheliers biblique durant deux ans), commentait les sentences de Pierre Lombard durant deux nouvelles années (bacheliers sententiaire), puis participait avec le maître durant trois ans encore à la formation des étudiants (bacheliers formé). Ce n’est guère avant 35 ans qu’il pouvait donc espérer recevoir la « licence d’enseigner » par toute la terre.
Avant qu’un tel projet ne porte des fruits, on se résoudra à tirer des plans sur la comète.
Le 23 novembre [1276 ], l’Inquisiteur de France cite à son tribunal trois maîtres de la Faculté des arts, dont Siger de Brabant : cette fois, ils ont à répondre du crime d’hérésie et son sommés de comparaître le 18 janvier 1277 au tribunal de l’Inquisition. On n’en sait pas davantage
On ne peut pas dire que toute cette affaire ait commencé en 1210.
Il semblait ainsi tout indiqué de suivre quelques développements de l’idée de liberté à la fin du XIIIe siècle et de la suivre dans l’une ou l’autre des situations où elle-même a été prise pour cible.
S'efforçant d'initier une "biologie philosophique", Hans Jonas a su réinventer et prolonger la pensée d'Aristote. La liberté humaine, loin de s'opposer à la nature, est sa réalisation la plus haute. Dès le premier vivant, dès la bactérie la plus primitive, une certaine autonomie fait ses tout premiers pas à travers le métabolisme. En effet, le vivant le plus rudimentaire possède la particularité de se nourrir. Or se nourrir, c'est se conserver soi-même en renouvelant ses éléments constitutifs. Se manifeste ici d'emblée une première autonomie de la forme par rapport à la matière. Que dans un vivant la matière coïncide absolument avec la forme - comme c'est le cas d'un caillou - et il est mort.
(...)
L'homme accomplit donc une tendance qui se trouve déjà dans la bactérie (il est même en soi un écosystème, puisque son corps contient plus de bactéries que de cellules). Mais comment, s'il est une telle fructification de la nature, peut-il devenir un tel destructeur de son environnement ?
Si la volonté suivait absolument la détermination de la raison, l’homme dans son état d’innocence aurait été dans l’incapacité de pécher.
... il vaut mieux aimer Dieu que le connaître
c'est dans l'accomplissement de toute chose selon sa finalité que, avec force et douceur, l'ensemble du monde peut trouver un nouvel équilibre.
l'homme est d'abord un vivant, inséré dans la nature.
Lorsque Dante sera exilé, il trouvera dans le monde entier sa nouvelle patrie. Ne peut-il pas en effet observer les étoiles de partout ? Rechercher les vérités les plus élevés sans être attaché à une ville ? Ce cosmopolitisme est aussi une marque de l’individualité : on ne dépend plus d’une famille, d’un fief ni d’une corporation. L’individu acquiert le sens de sa propre souveraineté par rapport aux structures, souvent injustes et accablantes, d’une société qui échappe à ses prises.
Florence en effet constitue à elle seule un monde insolite dans le paysage politique européen de la fin du XIIIe siècle. Non seulement elle participait au mouvement propre des communes de l’Italie du Nord qui, contrairement aux autres parties de l’Europe, avait rompu avec le système féodal ; non seulement elle était au cœur de cette région qui, à cause des luttes entre le pape et les Hohenstaufen, s’interdisait toute unité possible, mais elle réalisait à elle seule une exception.
Par ce sens de la responsabilité individuelle de sa valeur propre, Dante est enfant de son temps : la découverte progressive de l’individu à la fin du XIIIe siècle, en Italie notamment, trouve en lui un héraut privilégié de cette conscience de l’individualité qui marque profondément la culture européenne de cette époque jusque dans sa production philosophique ; l’œuvre de Dante est ancrée, comme aucune autre peut-être, dans cette conscience surindividualisée du rôle d’un philosophe et de l’irréductibilité de toute création culturelle.
... tout le monde s’accorde pour condamner ce qui est contraire à la foi ; l’accord disparaît quand on doit dire précisément ce qui s’oppose à la foi.
« C’est pourquoi il est mieux d’aimer Dieu que de le connaître, et inversement, il vaut mieux connaître les choses matérielles que les aimer. Toutefois, absolument parlant, l’intelligence est plus noble que la volonté. »
Henri de Gand.