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Critiques de François-Xavier Putallaz (5)
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Profession philosophe, Siger de Brabant

Siger de Brabant , maître de la faculté des arts de Paris, tenta de concilier une démarche de philosophe avec les vérités de la foi. Il fut cependant visé quand, en 1270, l'évêque de Paris, Etienne Tempier, condamna des thèses qui s'opposaient au dogme chrétien. Aristote , ne croyant pas à une création "ex nihilo" pensait que le monde était éternel. Le débat portait aussi sur la nature de l'âme, son rapport au corps, à l'universel, etc. La conception d'Averroès en faveur d'un intellect unique n'était pas sans conséquences. D'autres thèses concernaient la providence ou le déterminisme. Les autorités religieuses ne pouvaient alors accepter "une double vérité", celle de la raison et des choses révélées.
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Insolente liberté

Liberté



En 1200, la philosophie enseignée à Paris, à la Faculté des arts, sorte de propédeutisue - ou de classe préparatoire dirait-on aujourd’hui - aux études de droit, de médecine ou de théologue, est augustinienne. Constantinople est prise en 1204 par les Croisés. Les livres qui arrivent de cet autre monde sont trop nombreux pour les savants de Palerme, Naples ou Tolède : ils débordent jusqu’à Paris - qui ne tarde pas à agir. En 1210, l’archevêque Pierre de Corbeil interdit sous peine d’excommunication que l’on commente les livres de philosophie d’Aristote. En 1228, le pape Grégoire IX s’inquiète des effets sur l’évolution de l’enseignement de la théologie. En 1231, il exige que les livres d’Aristote passe d’abord entre les mains des théologiens pour en retirer les aberrations.

En 1245, le nouveau pape, Innocent IV rappelle la subordinations des arts libéraux à la théologie. En 1267, Bonaventure s’insurge contre l’aristotélisme et ses supercheries, bientôt suivi de Thomas d’Aquin qui dénonce l’averroïsme et Gilles de Rome qui établit en 1270 et réfute 95 thèses (déjà ?) aristotéliciennes incompatibles avec le christianisme. La sanction tombe, l’évêque de Paris Etienne Tempier condamne 13 propositions sous peine d’excommunication.



Mais rien n’y aura fait : Aristote plaît. Les enseignants de la Faculté des Arts y trouvent le moyen de faire carrière dans une occupation de découverte pour leur vie entière qui change du ressassement augustinien et leur permet de s’affranchir de la théologie. On lit Averroès depuis 1220 ; Roger Bacon enseigne publiquement la Physique d’Aristote dans les années 40 ; Albert Le Grand remarque que ce sont des censeurs qui déjà avaient condamné Socrate ; en 1252, « La nation anglaise de la faculté des arts impose aux étudiants de suivre un cours au moins sur le traité de l’âme » ; jusqu’à cette décision de 1255 : « le règlement de la faculté des arts inscrit au programme obligatoire l’ensemble des œuvres d’Aristote ». Tout l’inverse. C’est qu’il se produit en réalité à Paris ce qui s’était produit à Bagdad quelques siècles plus tôt.



Il est question de liberté. Cela posait problème. Personne ne nie l’existence du libre-arbitre, mais comment le définir ? Albert Legrand passe d’une proposition subordonnée à Augustin (« toute liberté vient de la volonté ») à une pensée strictement philosophique dissociée de la théologie : l’homme est maître de ses actes et la raison lui faire découvrir le monde et la nature. Siger de Brabant répond aux condamnations de 1270 et critique cette philosophie qui, par traditionalisme et dépendance à l’égard de la théologie, place la liberté sous la volonté. Cela n’est pas du goût de l’évêque de Paris pour qui la volonté humaine est toujours libre. Il lit chez Siger, à raison que la volonté peut être contrainte, mais à tort qu’il refuse à l’homme le libre-arbitre. Cette position, contraire à celle de l’Église pour qui l’homme doit être libre, fait de Siger un déterministe abhorré - et justifie que les condamnations de 1277 lui soient prioritairement adressées - pense-t-on.



L’accusation, on l’a vu, est infondée. La raison engage la volonté qui, si elle est contrainte, entraîne la liberté. Mais si elle n’est pas contrainte, elle trouve une opposante en la liberté. Celle-ci agit sur la raison qui forme la volonté. Ça ne plaît donc pas à l’Église qui préfère que la volonté domine la raison - pour subordonner la philosophie à la foi, là où Siger distingue la raison de la foi. Chez Thomas d’Aquin, philosophie et foi se distingue, mais la philosophie sans objet supérieur, sans foi, est vaine : « il vaut mieux aimer Dieu que le connaître ».



Mais à Strasbourg, les Franciscains recommandent de garder les textes de Thomas à l’abri des regards des profanes car l’ambiguïté y est telle qu’on aurait tôt fait d’en assimiler les thèses à celles condamnées par Tempier. Ainsi, aujourd’hui encore est répandue l’idée que c’est contre Thomas que Tempier a prononcé ses interdictions. L’ordre franciscain étant concerné, le travail de clarification engagé par Strasbourg traverse la Manche - et les condamnations de Tempier atteignent Oxford.



Pour Henri de Gand, l’intellect dont l’objet est la raison universelle est supérieur à la volonté dont l’objet est le bien, sauf si le bien se trouve dans un objet plus grand que l’homme lui-même : il faut alors élargir sa volonté jusqu’à le vouloir entièrrment et se fondre en lui. Vouloir Dieu, c’est plus grand qu’en déterminer la raison. Ce n’est plus vrai, rétorque Godefroid de Fontaines, plus radical que Thomas, si l’on considère que ce bien que veut la volonté en Dieu, c’est la perfection de l’acte d’intellection qui attire à lui la volonté : l’intellect est bien supérieur. Pour rappel, Siger de Brabant jugeait que les animaux ne sont pas libres car leur désir suit leur jugement qui n’est pas libre tandis que les hommes sont libres puisque leur volonté est attirée par leur libre jugement en ce qu’il n’est pas déterminé de nature mais par l’intellect. Ce que Henri complète : certes, mais la volonté humaine n’est pas plus libre que l’animale qui toutes deux suivent ce qui est jugé. La liberté n’est donc humaine que parce que l’homme peut choisir à quoi il applique son jugement au contraire de l’animal : le libre-arbitre n’est pas dans la volonté mais l’intellect.



Jean Damascène l’amène à modérer sa position : l’homme choisit librement les objets de son jugement mais, une fois les jugements énoncés, il peut encore choisir celui vers lequel il oriente sa volonté : « la liberté de juger (intellect) est dépendante de la liberté de choix (volonté) ». Il rejoint donc ici Thomas qui place la volonté au-dessus de l’intellect - et non seulement dans le cas où l’objet de la volonté est Dieu. Pour l’Église, ça ne fait de doute, si la raison était supérieure, Adam aurait suivi son jugement, qui lui vient de Dieu - et on n’aurait rien eu à lui reprocher. S’il a péché, c’est que sa raison était en désaccord avec la raison divine, et si tel était le cas c’est qu’il a voulu appliquer sa raison à de mauvais objets : le désordre de la raison vient d’un désordre de la volonté - et la volonté prime nécessairement la raison.



Pour Godefroid de Fontaines il se pourrait bien que le jugement humain ne soit pas entaché d’erreurs, puisqu’il n’est pas toujours appliqué à l’objet le meilleur, mais quand la valeur de l’objet de l’intellect, qui est action, sera la meilleure, la volonté qui nécessairement la suivra se confondra avec la nécessité. La volonté n’est pas autonome. En tous les cas pour Gilles de Rome, « personne ne niera le fait qu’il y a une connexion entre la malice de la volonté et un certain aveuglement de l’intellect ». Mais, donc, malgré toutes ces doctes réflexions qui se sont tenues depuis dix ans et depuis 1277, on n’en sait pas beaucoup plus...



Dante propose une explication de la liberté qui reprend Siger et Godefroid mais s’adresse aux laïcs plutôt qu’aux clercs : c’est une potentialité de dire « non » : « L’homme est libre parce qu’il suit la loi de la raison : il jouit de la capacité de dire « non » aux sollicitations immédiates, de retenir les désirs qui s’allument en lui sans lui, d’y mettre un frein ou de les juguler. Il faut, pour y parvenir, le discernement de la raison qui oriente l’appétit au sein de cet univers finalisé et dynamique qui invite par nature l’âme à retourner vers son principe, à retrouver la vraie cité ». La liberté humaine trouve donc aussi son chemin dans une organisation sociale, la monarchie, dont les lois aideront l’individu à refuser la nécessité de ses désirs. Cet élargissement social fait l’originalité de sa pensée.



Dès lors la question de la liberté qui était celle de la vérité, puisque la condamnation de l’intellectualisme en 1277 ne visait qu’à réaffirmer la précellence du dogme chrétien du péché originel, s’échappe du cercle étroit de la corporation qui pour ses propres besoins d’autoconservation la tenait enfermée et, en se détachant de sa dépendance à la morale, devient une question politique intéressée à la question du bonheur. Le projet philosophique de la liberté est recomposé et s’ouvre aux siècles qui annoncent et préparent la modernité.

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Qu'est-ce que la nature ? (suivi de) ''Enfi..

Me voilà bien embêtée à faire une critique de ce livre.



J'apprécie de lire de la philosophie, mais peut-être que ce livre était d'un niveau au-dessus. J'ai éprouvé des difficultés à suivre la pensée de François-Xavier Putallaz, qui décortique toutes les définitions de nature, en s'appuyant sur les écrits de différents philosophes.



Peut-être aussi que j'attendais autre chose : plus de liens directs avec la nature, et l'urgence environnementale. Or, en partant des différentes définitions du mot "nature", celle qui m'intéressait ne fut que peu explorée finalement. Il faudrait peut-être que je relise l'ensemble pour comprendre le lien.



Et ce qui a fini de me perdre est la prédominance de Dieu dans le texte de Fabrice Hadjadj. Je peux concevoir qu'on en parle en philosophie, mais là j'ai trouvé que, plus ça allait, plus on était bloqué dessus. Si l'on part du postulat que Dieu a créé la nature, et qu'on s'appuie sur les textes en lien avec cette croyance, sans apporter d'autres points de vue, ça limite passablement la réflexion sur le sujet. Mais peut-être que je n'ai vraiment rien compris.



Je reviens après une rapide recherche sur cette maison d'édition, que je ne connaissais pas.

La quatrième de couverture ne me le laissait pas supposer, mais c'est un texte qui a pour volonté d' "éclairer un problème anthropologique particulier à ce temps à la lumière de la philosophie et de la théologie, dans une perspective chrétienne"... tout comme les titres "Dire oui au monde" et "Après l'humanisme" de la même collection.

Bref, cet ouvrage n'était pas fait pour moi, car trop orienté vers cette croyance... ce n'était pas une vision de mon esprit.
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Qu'est-ce que la nature ? (suivi de) ''Enfi..

Ce livre est un essai de philosophie et il n'est pas simple à lire : le propos n'est pas vulgarisé et il faut être bien concentré pour suivre le raisonnement.

Il est cependant intéressant. L'auteur vient interroger l'essence de la Nature dans ses dimensions philosophiques et culturelles, mais aussi et surtout la notion de la Liberté de l'Homme qui en s'exerçant vient corrompre le milieu naturel.

L'auteur s'appuie sur ce point de départ pour défendre l'idée que la pensée contraint l'idée de nature : les Lumières la réduisent à une série de mécanismes, Sartre la nie... et que l'homme cherche à s'y soustraire jusqu'à se retrouver dans l'actuelle impasse écologique.

Je n'ai pas trouvé de tentatives de définition de la Nature ce qui finalement est un peu frustrant, à part lorsque pour réconcilier Nature et Liberté, l'auteur nous invite à envisager la nature comme le principe de la dynamique interne des choses.

J'avoue être restée un peu sur ma faim... qu'est-ce qu'on fait de tout ça ? Car si je ne doute pas de la capacité de la Nature à se régénérer sous une forme ou une autre (ici la Nature s'entend certainement au sens de l'Univers), quid de l'Homme ? "... c'est peu à peu que se développe la prise de conscience de ce qui est inscrit dans la nature et dans le cœur humain....est essentiel au développement du droit naturel." me semble un peu court.

Le texte en deuxième partie est plus abordable, plus concret, plus imagé et interroge l'état de nature avec l'existence terrestre de l'homme.

Dans les deux textes il ne s'agit pas d'études exhaustives, encyclopédiques, mais de thèses éclairées par la croyance religieuse chrétienne.
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Qu'est-ce que la nature ? (suivi de) ''Enfi..

J'ai essayé tant bien que mal de me plonger dans cet ouvrage, mais rien n'y a fait. Je ne suis malheureusement pas arrivé au bout de "Qu'est-ce que la nature ?".



Je n'ai pas réussi à suivre la pensée de l'auteur sur la nature, ni les différentes références philosophique. Je regrette de ne pas être aller au bout de la centaine de pages que nous offre cet ouvrage, mais il n'est pas pour moi.



Des lecteurs plus avisés et plus à l'aise avec le genre sauront peut-être plus intéressés.
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