Lettre d'ici
à toi ma page
ami volé des bords d'Asie
frère au juste prénom
tu me disais le large et ses lents coquillages
les papiers chuchotés
chiffons ou cerfs-volants
la mer t'a rassemblé
en même temps que l'ombre
ma lette m'époumone
j'épelle
les frontières
aujourd'hui mes yeux rament
sur l'horizon défiguré
Mon corps est une armoire. Je vis dedans. Quand elles viennent, je voudrais me cacher ailleurs. Je pourrais m'enfuir et elles ne verraient rien, je serais toujours là.
ton corps est une armoire. Je vis dedans. Quand elles viennent
Toi tu me vois parce que tu sais. Tu sais que j'existe à l'intérieur. Et moi je me sens invisible.
enfants nous empruntions la digue
avec des pudeurs d'écrevisses
nous ne savions pas que les vagues
ont l'écume plus tendre
à l'instant du venin
p.8
Extrait ouvrage : ON S'APPELLE, I. De nuit, Rougerie juin 2010, ISBN : 9782856681596
l'hiver retrousse ses chaussettes
sur le sentier fleuri d'écorces
tu dors au large d'une ombrée
je marche dans tes bottes
nous avons encordé nos pas et nos paroles
nous nous sommes frôlés
comme disent les arbres
petit frère mon ami mon saule
l'oubli n'aura pas ton regard
ni tes bretelles reverdies
demain nous guetterons
sac au dos
la buse aux ailes végétales
Julie d'ailleurs
une lettre de toi
Julie d'ailleurs et d'aventure
une page très bleue
la brise l'azur la mer
deux timbres aux dents dorées
une adresse et un cœur
Julie partie Julie l'amie
tes mots jouent à la balle
aux astres tapageurs
leurs parfums étourdis se glissent
sous le chapeau clair de ton rire
La vie en boucle te ramène au premier nid. Des bras d’une mère au ruisseau du matelas, il y eut des angles, des caps, tant et tant de cubes et de roches. La caresse initiale reprend vigueur, comme une chevelure butine la tête enfantine. Tu te perçois soleil et lune, dans ton antre, au milieu du désert. La voûte lactée te protège. (p. 46)
Gulliver ou rien
quatre bottines au bord du fleuve
le saule a des airs de maison
il abrite nos jeux
nos rires nos tartines
et ce secret transi
à toi la brume à moi la rive
à nous le fil de l'eau
nous serons Gulliver ou rien
c'est écrit sur nos chemises Avion
les mêmes
coton des îles et grand serment
nous voilà pionniers ou corsaires
soleils livrés aux flots
sur les mers des enfances
Petite tante. Tu me devances à grands pas, car ta course est légère. Je fais halte en ce siècle qui convoque ma présence. Je lâcherai prise à mon tour, léguant le crayon à d’autres mains fugueuses. Tout ce qui est écrit s’immisce dans la fresque, témoin de l’échappée. Il fait clair.
2. Des premiers jours
JOUR 2
Temps
je n'irais pas au bois
sans m'éprendre d'abord
du sentier qui fend la prairie
Graine luciole colline
une ombre les berce
Ici commence la bourrasque
qui récite d'un trait
la leçon des bravades
p.34
De la nuit
livrée comme un abîme
nous ferons une alliée
un cri qui nous déplie