UNE LOUVE AU SOUFFLE COURT…
Une louve au souffle court
a suspendu son pas
s’offre à la fébrilité de l’aube
Éprise de ce fléchissement du temps
la félonie des cendres dérive vers une coulée d’oiseaux
J’oublie qu’hier encore j’avais froid
J’embrasse ma part d’infini
et que m’importe la confusion des siècles
mes mains se tendent
vers les pollens qui en savent
ô combien plus
que les arpèges du vent
C’EST UN GENRE DE JOURNÉE OÙ L’ON LAISSE TOUT TOMBER…
Extrait 1
C’est un genre de journée où l’on laisse tout tomber.
La carafe bleue gît par terre, brisée. Et puis, à tout
moment, tu es dans l’une ou l’autre pièce à te demander
ce que tu es venue y faire, tu reviens sur tes pas.
Si les choses doivent se compliquer de cette façon, alors,
dis-tu, autant sortir. Les travaux des champs ont commencé
dans la plaine ambrée. Sous les roues des tracteurs, les mottes
de pierre égrènent leurs espoirs de vie. Tu vas dans la perception
d’un labour. Tout recule et pourtant les billes opalescentes du gui
accroché dans un très vieux poirier diffusent dans l’espace tu ne
sais quelle promesse. C’est sûr. Quelque chose, quelque part devra
bientôt lâcher.
C’EST UN GENRE DE JOURNÉE OÙ L’ON LAISSE TOUT TOMBER…
Extrait 3
Rien ne se dévoile dans une plaie, pas même les deuils qui s’y
cachent. Quand l’homme t’embrasse, tu arrêtes de mourir.
Ses mains te dévêtent en écartant le froid. Tes sanglots mis
à nu se heurtent à la lumière diffuse et cette nudité soudaine
au cœur de tes prières t’ouvre aux désirs d’étreinte. Tu respires
une glycine. Tu espères, tu oses croire, sans savoir en qui, ni même
si c’est en toi, mais tu espères.
C’EST UN GENRE DE JOURNÉE OÙ L’ON LAISSE TOUT TOMBER…
Extrait 2
Certains matins il faudrait avoir la force du jour qui se lève,
contenir tout entier le chant de l’alouette. Tu t’assieds à la
table, tu recenses les mots de tes besoins. C’est vrai que tu
préfères aux tâches ménagères les longues journées à com-
poser les multiples espaces autour du moulin. Créer un jardin
est un long chemin pour se découvrir, se perdre peut-être, se
retrouver. Guérir. On ne sait jamais.
SUR LA BERGE DU FLEUVE…
Extrait 2
De ses sandales elle a chaussé le sentier
puis d’un pas reculé dans la mort
sans se préoccuper des promesses
contenues dans le chant du loriot
Elle remonte
vers sa source
augmentée
de tout ce qu’il lui faut perdre
Lorsqu’une résille de sel blanc
embrasa son adieu
elle ceignit comme si de rien n’était
une vague qui se fit passerelle
un sabbat d’absolue solitude
elle ne sombre pas
elle approche
[…]
…
À QUOI BON CES COLÈRES…
À quoi bon ces colères qu’avec obstination
le matin réajuste
ces désarrois brûlants
suppliant la présence de gués
Aux bords extrêmes noués de bourrasques et d’oiseaux
des schistes bleus disputent aux reflets
la sereine patience qui me fait tant défaut
Contre l’épaule indulgente du jour
tenter d’appréhender
ce qui cherche
à se dire
SUR LA BERGE DU FLEUVE…
Extrait 1
Sur la berge du fleuve
elle passe de son pas qui n’est déjà plus d’elle
le cœur brûlant au chant de ce qui va s’ouvrir
son départ comme une orée secrète
— si loin se confond avec si près —
dans un élan d’épiphanie
à peine entend-elle
la vie dans son trébuchement
désancrer le pardon d’une eau vive
…
SUR LA BERGE DU FLEUVE…
Extrait 3
Son désir d’absolu lissa
la pente douce de l’adieu
À la troisième vague
elle but le mot le plus haut
le plus limpide
et s’ouvrit à qui l’émerveillait
Son élan fut plus que nous
Vivant