Il est important d'en tenir compte, l'introduction de la mixité dans le monde du travail ne se vit pas de la même façon selon les sexes.
Les hommes minoritaires dans certaines professions, comme les garçons minoritaires en formation, tirent souvent profit de leur "transgression". Durant la formation, ils peuvent être "chouchoutés" et considérés comme des éléments valorisant le métier. Ensuite, ils accèdent assez facilement aux fonctions de responsabilité.
Cette situation est moins fréquente pour les femmes, qui peuvent, à l'inverse, se voir accuser de dévaloriser le métier, de manquer des qualités requises ou de troubler l'ambiance au travail.
En résumé, les femmes sont sur-représentées dans les professions incarnant les "qualités féminines" (douceur, empathie ...) et de niveau hiérarchique souvent limité : employées, professions intermédiaires de la santé, du travail social, de l'éducation. En revanche, elles sont toujours peu nombreuses dans les professions incarnant des "qualités viriles" (force et technicité ...) : ouvriers, chauffeurs, policiers, militaires, ou dans celles hiérarchiquement élevées : chefs d'entreprise, ingénieurs et cadres techniques d'entreprise.
Ce tableau n'est pas particulier à la France. En Europe (...) les professions sont également sexuées selon les mêmes domaines.
Comme nous allons le voir, la non-mixité du monde du travail se tisse en grande partie en amont, au fil des parcours scolaires. C'est parce que le travail est sexué que l'orientation l'est également : les options d'orientation sont une anticipation de la division sexuée du travail. Que se passe-t-il donc dans nos écoles où la mixité est la règle ?
Sortir des sentiers battus des orientations traditionnelles pour un garçon ou pour une fille est encore souvent coûteux.
Les garçons encourent un risque d'une "double disqualification" : identitaire (ne plus être vu comme un "vrai" garçon) et sociale (aller vers des professions "féminines" moins valorisantes).
Quant aux filles, elles sont aux prises avec une "double contrainte" qui leur impose des "contorsions identitaires" : faire ce que font les garçons, aussi bien qu'eux sans leur ressembler, et en laissant paraître discrètement leur "féminité".
C'est donc le genre qui "pilote" de manière plus ou moins explicite ou inconsciente la question de l'orientation posée dans ses différentes facettes :
l'action politique, les pratiques pédagogiques et les choix personnels.
Des différences aux inégalités
Cette situation de non-mixité s'accompagne de toute une série d'inégalités professionnelles entre femmes et hommes.
Au niveau des salaires tout d'abord. Dans le secteur privé, les femmes - tout temps de travail et tous secteurs confondus - ont un revenu salarial inférieur de 25% à celui des hommes. Dans le public, les écarts sont un peu plus faibles, sauf dans la fonction publique hospitalière.
Ce sont chez les cadres moyens et supérieurs que les différences de salaires sont les plus importantes (...)
Autre inégalité, celle liée au fameux "plafond de verre" qui limite l'accès des femmes aux fonctions de hautes responsabilités dans le privé comme dans le public. Les femmes sont toujours très minoritaires parmi les cadres dirigeants d'entreprise. Même dans les professions où elles sont majoritaires, elles ont un moindre accès aux fonctions d'encadrement et de direction.
Enfin, 80% des temps partiels sont occupés par les femmes. Les secteurs dans lesquels elles sont majoritaires (entretien, soins aux personnes, etc.) sont ceux qui imposent des temps de travail partiels et donc des salaires réduits.
Le temps partiel touche une femme sur trois, contre 7% des hommes.
Dans les pays où les maths n'occupent pas le haut du pavé de la hiérarchie des savoirs et n'ont pas un rôle de sélection aussi important que chez nous, on trouve beaucoup plus de femmes étudiantes et professeures d'université en mathématiques.
Comment expliquer que les choix d'orientation des filles et des garçons demeurent si différents malgré les mesures politiques prises depuis quelques décennies ? Les connaissances actuelles permettent d'écarter l'hypothèse de différences innées entre les sexes.
La réponse est à chercher dans l'influence des "normes" sociales qui assignent les femmes et les hommes à des rôles différents dans la famille et la société. (...)
Mais rien n'est immuable ! Des pistes existent pour offrir plus de liberté de choix d'orientation aux filles et aux garçons et rendre le monde du travail plus mixte et plus égalitaire entre les femmes et les hommes.
Avant-propos
Les métiers ont-ils un sexe ? Existe-t-il des métiers faits pour les hommes et des métiers faits pour les femmes ? En d'autres termes, existe-t-il un déterminisme "naturel" qui orienterait les filles vers certaines formations et professions, et les garçons vers des voies différentes ?
Mais pourquoi se poser ces questions ? En effet, actuellement,
seuls deux métiers de l'armée ne sont toujours pas ouverts aux femmes,
et aucune profession n'est interdite aux hommes.
Depuis 1976, la loi impose la mixité dans tous les établissements de l'enseignement public, à tous les niveaux et dans toutes les filières.
Pourtant, près de quarante ans plus tard, les choix d'orientation des filles et des garçons demeurent souvent stéréotypés.
Dans le domaine politique, malgré la loi sur la parité votée en 2000,
seulement 27% des députés, 22% des sénateurs et 14% des maires
sont des femmes ...
En 2014, les femmes composent quasiment la moitié de la population active (48%). On devrait donc, a priori, compter 48% de femmes et 52% d'hommes dans les différentes activités et fonctions professionnelles.
Or c'est loin d'être le cas :
seulement 12% des métiers et seulement trois familles professionnelles (qui ne regroupent que 4% des emplois) présentent une mixité équilibrée entre les femmes et les hommes :
les professionnels du droit,
les cadres des services administratifs, comptables et financiers,
les médecins et assimilés.
ZOOM
Dans les pays de l'OCDE, 53 % des garçons contre 38 % de filles
envisagent une carrière scientifique. Les filles se projettent plus dans les métiers de la santé et du social que dans l'ingénierie ou l'informatique.
Enquête PISA, 2012 / OCDE, p.27
ZOOM
Quand ils se jugent très bons en maths,
8 garçons sur 10 vont en série scientifique
pour seulement 6 filles sur 10.
Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance, ministère de l'Education Nationale, 2014 / France, p.31