La constitution de l'intelligence, comme partie distincte de l'activité de l'esprit, nous donne notre première série de types psychiques. Il s'agit ici de l'intelligence non pas considérée dans ses éléments ou dans ses formes spéciales, mais prise comme un tout et envisagée dans ses rapports avec le reste de la vie mentale, et de la vie en général.
L'affaiblissement de la religion indiquait une place à prendre, les philosophes essayèrent de s'en emparer. L'éclectisme, le spiritualisme de Victor Cousin fut une tentative pour remplacer le catholicisme dans une certaine mesure, et, tout en lui témoignant les plus grands égards, lui enlever la direction des intelligences et , en particulier, des intelligences les plus cultivées. La philosophie devenait en quelque sorte la religion des esprits d'élite, la religion restant la philosophie de ceux qui n'ont pas le temps ou les moyens d'en avoir une meilleure.
On a dit que l'activité de l'homme pouvait se résumer par ces deux formules : chercher son intérêt, éviter ce qui y est contraire. Cela n'est pas absolument exact, mais une formule de ce genre serait beaucoup plus juste appliquée aux éléments qui composent l'esprit qu'appliquée à l'esprit lui-même.
La volonté implique généralement à quelque degré la conscience et la réflexion. L’acte volontaire comprend trois phases : la délibération, la décision et l’exécution. Celle-ci est peut-être plutôt un signe et comme une preuve de l’acte volontaire qu’un de ses éléments constituants. Mais ce qui constitue le plus essentiellement la volonté, c’est le fait même de la décision.
C’est là une synthèse psychologique originale, dont les caractères sont assez nets, qui se distingue de l’activité automatique par sa nouveauté, et de l’activité suggérée par sa nature beaucoup plus personnelle, plus spéciale à l’agent.
Tous les arts sont une sorte de geste compliqué qui crée en nous, ou qui suggère aux autres un monde fictif où nos besoins contrariés trouvent une satisfaction quelquefois très vive et généralement peu substancielle.
Le paysage a toujours trouvé des incrédules. Michel-Ange lui fut très sévère jadis. Mais en somme il ne pouvait que juger sur des témoignages insuffisants un art qui n'était pas le sien. Si grand artiste qu'il fût par ailleurs, il est permis de ne pas être de son opinion sur ce point. De nos jours encore M. Péladan, esthéticien intéressant que je lis toujours avec plaisir et dont j'admire la foi artistique sans partager toujours son goût et ses opinions, persiste à tenir le paysage pour un genre inférieur et à se montrer fort hostile même aux premiers impressionnistes.
La volonté qui se rattache à certains égards à l’automatisme et à l’imitation, se rattache aussi à l’invention. Elle est quelque chose comme une combinaison d’invention et d’automatisme. Elle se rapproche de l’invention, en ce qu’elle est, comme celle-ci, une synthèse nouvelle. Elle est une sorte d’invention pratique, d’invention appliquée, d’invention active. C’est une question de savoir s’il y a de la volonté dans toute invention, mais sûrement il y à toujours une part d'invention active, sinon toujours d’invention intellectuelle, dans chaque acte de volonté.
Le rapport entre l'invention et l'excitation spéciale qui en est l'occasion peut rester beaucoup moins précis. En certains cas, la circonstance particulière qui détermine l'éclosion de la pensée originale ne fait qu'offrir à la tendance déjà formée une banal occasion d'entrer en jeu; elle ouvre une issue à un courant dont la pression était déjà parfois appréciable. Il semble qu'une excitation diffuse, même peu différencié, apporte un supplément de force utile ou nécessaire, elle est un coup de fouet qui fait partir l'esprit.
Sans doute on peut aimer l'art du paysage sans tant de préparation. On l'aime autrement, avec, sur certains points, une moindre richesse d'impression et d'évocation qu'on peut compenser par ailleurs. Une oeuvre d'art suggère plus qu'elle ne reproduit, mais la suggestion ne dépend pas seulement de l'artiste qui incarna sa pensée dans l'oeuvre, elle ne dépend pas seulement de l'oeuvre elle-même, ni des deux réunis. Elle dépend aussi du spectateur.
Les choses ne se présentent pas autrement dans le jeu des sentiments que dans le fonctionnement de l'intelligence. Et il faut bien admettre sans doute que les émotions déjà éprouvées ont une influence sur une émotion nouvelle qui se produit dans les mêmes conditions extérieures et à plus forte raison sur une émotion dont les conditions sont simplement évoquées par l'esprit.