Citations de Gabriel Marcel (37)
On est toujours libre de ne rien comprendre à rien.
Le courage est la vertu sans laquelle la personne se nie elle-même.
Il consiste avant tout à regarder la vérité en face, il s'oppose à la tricherie sous toutes ses formes.
Une nuit à Lyon, il y a bien des années, à un moment très douloureux de ma vie, une pensée s'est imposée à moi brusquement:
"S'abstenir de prier, c'est refuser de se laisser aimer"
Cette pensée m'a pris par surprise, moi à qui la prière a toujours été particulièrement difficile. Tout s'est passé comme si elle venait d'ailleurs, d'en haut, comme si j'avais à en scruter le sens.
Il est clair que cette pensée serait sans signification si, comme on le croit trop souvent, la prière était avant tout une demande. Mais comment peut-on nier qu'elle peut être aussi et plus essentiellement action de grâce, c'est à dire élan vers ; et ne peut-on pas comprendre que c'est à travers cet élan, à la faveur de cet élan, que Dieu peut nous devenir présent et que, si nous restons enfermés en nous-mêmes, si nous nous abandonnons au sentiment d'une solitude irrémédiable, c'est comme si nous ne permettions pas à Dieu de se donner à nous dans l'acte même par lequel nous nous élevons vers lui.
on ne peut rien les uns pour les autres. On est seul.
Le don est un appel auquel il s'agit de répondre ; c'est comme s'il faisait lever en nous une moisson de possibles, parmi lesquels nous aurions à choisir ceux qui s'accordent le mieux avec la sollicitation qui nous a été adressée du dedans, et qui n'est au fond qu'une médiation entre nous-même et nous-même.
Je serais enclin à dénier la qualité proprement philosophique de toute oeuvre où ne se laisse pas discerner ce que j'appellerais la morsure du réel.
La fidélité est le contraire d'un conformisme inerte ; elle est la reconnaissance active d'une certaine présence, ou encore de quelque chose qui peut et doit être maintenu en nous et devant nous comme une présence, mais qui, ipso facto, peut aussi bien être méconnu, oublié, oblitéré ; et nous voyons ici apparaître cette ombre de la trahison, qui, selon moi, enveloppe tout notre monde humain comme une nuée sinistre.
Il est tout à fait certain que le propre de l'admiration est de nous arracher d'abord à nous-mêmes, à la pensée de nous-mêmes ; elle est l'active négation d'une certaine inertie intérieure ; [...] les idées d'admiration et de révélation sont, en réalité, corrélatives.
L'homme dépend, dans une très large mesure, de l'idée qu'il se fait de lui-même.
Toute confusion entre le mystère et l’inconnaissable doit être soigneusement évitée : l’inconnaissable n’est qu’une limite du problématique qui ne peut actualisée sans contradiction. La reconnaissance du mystère est au contraire un acte essentiellement positif de l’esprit, l’acte positif par excellence.
L’avoir existe déjà au sens le plus profond dans le désir ou dans la convoitise. Désirer c’est en quelque manière avoir en n’ayant pas ; cet par là s’explique l’espèce de souffrance brûlure essentielle au désir, et qu est au fond l’expression d’une sorte de contradiction, de frottement à l’intérieur d’une situation intenable. La symétrie est d’ailleurs absolue entre la convoitise et l’angoisse que j’ »prouve à l’idée que je vais perdre ce que j’ai, ce que je croyais avoir, ce que déjà je n’ai plus. Mais ‘il en est ainsi, il semble bien,… que l’avoir soit en quelque façon fonction du temps.
La pensée philosophique la plus authentique me semble se situer à la jointure de soi et d'autrui.
Mais le propre de la condition humaine consiste en ce qu'elle n'est pas assimilable à une structure toute objective et préexistante qu'il y aurait à découvrir. La condition humaine, quels que soient les fondements sur lesquels elle repose, apparaît comme dépendante, en quelque manière, dans ce qu'elle est, de la façon même dont elle se comprend. C'est ce que de nos jours un Heidegger me semble avoir reconnu avec une admirable netteté... L'homme dépend, dans une large mesure, de l'idée qu'il se fait de lui-même et cette idée ne peut être dégradée sans devenir du même coup dégradante.
Reconnaître qu'une compréhension peut être intégralement profonde, c'est implicitement établir une hiérarchie dans l'appréhension qui s'ordonne par rapport à l'être et non par rapport au valable [...] on montrerait sans peine que le pragmatisme n'a pu s'introduire qu'à la faveur d'une confusion systématique entre vérité et validité.
La mort ce n'est qu'un vêtement qui tombe.
Ma vie lorsque je la sacrifie, n'est pas "quelque chose" que j'abandonne pour obtenir "autre chose". C'est un tout.
[...]
A la racine du sacrifice absolu, on trouve non seulement "je meurs", mais: "Toi, tu ne mourras pas."
Il est évident par ailleurs que le mot "ontologique" est discrédité aux yeux des philosophes formés au contact de l'idéalisme.
Si l'homme est essentiellement un voyageur, c'est qu'il est "en route", comme le dit un de mes personnages dans l'Emissaire, vers une fin dont on peut dire à la fois et contradictoirement qu'il la voit et qu'il ne la voit pas.
Ici, comme partout ailleurs, c'est le sens du prochain qu'il faut réveiller, seule sauvegarde contre toutes les calamités qui, elles, seront sûrement mondiales.
La connaissance exile à l'infini tout ce qu'elle croit étreindre... peut-être est-ce le mystère seul qui réunit. Sans le mystère, la vie serait irrespirable.