Gabrielle Halpern : « Lhybridation, une solution pour sadapter à un monde en grande mutation ? »
Si le devoir de mémoire prévaut sur le devoir de prospective, si la commémoration prévaut sur l’imagination, alités il n’y a plus d’avenir : il n’a plus de place, il n’est plus pensé. Le principe d’identité est au fidélité au passé et i présent : tandis que le principe d’altérité est une fidélité au futur. Il s’agit donc d’un principe de survie.,,,pour cela il faudrait que nos sociétés cessent d’être obsédées par leur identité.
L’identité est l’univers du OU; tandis que l’altérité et la contradiction sont celui du ET. Être créatif, c’est être ingénieur : c’est à dire cultiver l’habitude de créer des ponts inédits entre des informations, des connaissances, des idées, des mondes. . La créativité n’est pas la synthèse, ni la thèse, ni l’antithèse, mais l’hypothèse d’une tierce -chose que l’on décide d’inclure dans notre monde.
L’hybridation est créatrice de repères, car elle englobe sans effacer, elle associe sans distinguer, elle relie sans dénaturer. Dès lors, une société hybride n’est pas une société de fractures ou de singularités indifférentes, mais une société inclusive, faites de référents communs, qui donne un sens aux différences de chacun.
Pour forcer le trait, nous pourrions dire que le principe de non-contradiction est une forme d’inceste de la pensée et que celle-ci ne peut être féconde qu’en étant fécondée par de l’hétérogène, de l’altérité, de la contradiction.
Le vocable a changé : les morceaux de réalité que notre raison triait s’appelaient « informations », tandis qu’elles prennent le nom de « données » lorsqu’elles sont triées par nos machines. Le processus est le même, et lorsque nous parlons de « traitement des données », il s’agit implicitement du « traitement du réel ». Visiblement, la douleur psychologique résultant de notre habitude de tri et de classification de la réalité était telle que nous avons fait semblant de nous en défaire :nous l’avons transféré à nos machines pour poursuivre cette habitude, par procuration.
L’existence, sans l’identité….Il ne peut y avoir de contradiction, écrira Ayn Rand, une philosophe américaine dont les livres sont presque autant lus que la Bible aux Etats-Unis, et inconnus en France.
Pour survivre dans le vaste monde, la nature, disait Emmanuel Kant, n’a donné à l’entre humain , ni les cornes du taureau, ni les griffes du lion, ni les crocs du chien, ni les ailes des oiseaux. Avec la raison,nous nous sommes hissés au sommet du monde. Cette vieille habitude de nous sentir supérieurs aux autres animaux est toujours bien, bien ancrée. Mais puisque nous commençons enfin à penser, nous allons peut-être commencer à être humbles. ..
Avoir un avis n’a jamais transformé qui que ce soit; mais acquérir une connaissance métamorphose, fait grandir
et mûrir.
Montaigne: il faut limiter l’homme, il est d’une condition très moyenne, sans aucune prérogative ni prééminence vraie et réelle. Celle qu’il se donne dans sa pensée et son imagination n’a ni consistance, ni réalité sensible; et s’il est vrai que lui seul, parmi les animaux, ait cette licence de l’esprit et ce dérèglement de pensée qui lui montrent ce qui est, ce qui n’est pas, ce qu’il veut, le faux et le véritable, c’est un avantage qui lui est devenu bien cher et dont il a peu à se glorifier, car c’est de là que naît la source principale des maux qui l’ accablent : péché, maladie, irrésolution, agitation, désespoir.
La crise que nous traversons n’est pas économique, sanitaire, sociale, écologique, institutionnelle, territoriale ou politique. Ce qui est en crise, avant tout, c’est notre rapport à la réalité.