Citations de GennaRose Nethercott (26)
Les réponses… Une réponse, c’est une crevaison sur une route de campagne. Une impasse. Dès que l’on obtient, il n’y a plus d’errance. Plus d’émerveillement. Plus de miracles, plus de sacré. Aucun endroit où on puisse aller. Le sacré, Isaac ne savait pas vraiment où le trouver, mais ce dont il était certain, c’était qu’il ne se trouvait pas dans les réponses.
Les questions, ça, c’était autre chose. Posez-en une, et se déroule sous vos yeux un paysage infini, riche de mille possibilités. Nord, sud, ouest, est : tout un réseau d’inconnues, disposant chacune de ses propres sorties, de ses propres aires de repos, de ses virages. Vous pouvez voyager le long d’une question toute votre vie sans avoir envie de vous arrêter.
Elle était heureuse. Ou plutôt, elle n'était pas malheureuse. Et n'était-ce pas bien suffisant?
Une citation à découvrir sur Babelio : La Maison aux pattes de poulet de GennaRose Nethercott
https://www.babelio.com/auteur/-/647825/citations/3211283
Je vous avais prévenus. L'histoire, telle qu'elle est, ce n'est pas toujours l'histoire telle qu'on voudrait qu'elle soit. Mais ce n'est pas une histoire, c'est notre monde. Un enfant mort. c'est un enfant mort. Un massacre, c'est un massacre. Les souvenirs, on doit les raconter. Les mains engendrent des mains. Les mères engendrent des enfants, qui à leur tour engendrent des filles. Les générations passent et, soudain, nous oublions. Nos descendants naissent en proie à des désirs qu'ils ne comprennent pas, car ils ont oublié. Leurs mains sont pleines de feu. Leurs jambes brûlent de fuir. Le corps se souvient. L'air aigri se souvient. Nous ne pouvons pas oublier. Je ne peux pas oublier. Et s'il faut que je me rappelle, vous aussi, j'en fais le serment.
Ce n’est pas seulement en lui prenant la vie qu’on tue un peuple, c’est en lui volant son histoire.
Quelle sorte de bête transforme des citoyens ordinaires en meute enragée, en éveillant leurs peurs ? Dans le monde réel, ce ne sont pas des monstres. Ce sont des hommes en quête de pouvoir.
La superstition est l'apanage des véritables gens de théâtre.
Aujourd'hui, on dit que l'air, dans ce qui était autrefois Gedenkrovka, est plus lourd que la normale, et si différent qu'il vous pèse, humide, sur la peau. On dit aussi que la douleur peut se transmettre par le sang. Qu'un chagrin peut être si intense parfois qu'il transforme toute une lignée, qu'il peut réapparaître dans les corps des générations plus tard, longtemps après que le nom même de ce chagrin a disparu. Combien de temps faut-il au corps pour se rendre compte qu'il est indemne ? L'est-il d'ailleurs jamais ?
Sa peau... sa peau ondulait, comme soulevée par les flammes d'un feu de broussaille. Les veines saillaient, privées cependant du bleu outremer du sang qui les parcourt – le visage de l'homme était strié de cordes d'un blanc immaculé, comme si ses vaisseaux sanguins avaient été vidés, puis remplis de fumée. Ses lèvres laissaient échapper des volutes blanches, ses paupières des larmes gazeuses.
Les docteurs de votre région ont accompli de grandes choses. Ils avaient imaginé un avenir radieux. Une humanité plus parfaite. Ils voulaient créer un meilleur pays pour leurs enfants, par la sélection biologique.
Ah, la puissance d'une histoire lorsqu'elle est murmurée à l'oreille d'un homme armé !
Ce n'est pas seulement en lui prenant la vie qu'on tue un peuple, c'est en lui volant son histoire.
Raison pour laquelle Ombrelongue avait besoin de détruire Pieds-de-chardon. Parce que la maison se souvenait. Tuez l'histoire, vous tuerez la culture.
– Les voleurs s'enrichissent en laissant des trous, dit le garçon, le doigt levé. Mais au bout d'un moment, ça se déséquilibre. La nature, elle met son nez là-dedans. Elle rétablit les droits. C'est le début du manque de bol. Tu commences à perdre des trucs, ton sac à dos, tes godasses ou pire encore carrément un bras, bordel, une jambe. Mais si tu mets quelque chose dans les vides, même un truc qui ne vaut pas grand-chose – Benji rendit la pièce à Isaac –, y a plus de trous noirs. Plus de manque de bol. Plus de fouille au corps par les flics.
Je sais, vous êtes là à écouter une histoire, et je vous interromps tout le temps. Mieux vaut que vous le sachiez dès maintenant : je vais coller une histoire dans les trous d'une autre et élaguer mes propres contes avant qu'ils soient finis. Vous pouvez toujours appeler ça des agaceries, moi je dis : c'est le suspense ! La vie d'ailleurs ne progresse-t-elle pas de cette manière ?
N'allez pas penser que Baba Yaga est l'héroïne de mes histoires. Ce n'est pas le cas. Elle n'est pas non plus ce qu'on appelle la méchante. Baba Yaga, c'est juste une femme.
Dans une histoire, qu'il soit ou non soldat, celui qui veut faire du mal arrive toujours en uniforme.
Qu'est-ce donc la maison, si ce n'est un récipient pour une vie ? Et qu'est-ce donc une vie, si ce n'est un récipient pour une histoire ?
Génial, l'interrompit Isaac avec un grand sourire. Tu fais partie de l'équipage.
Au fil des générations, on oublie. Seul le corps se souvient. Le corps, et les fantômes. Flammes dansantes.
Il y a le temps du chagrin et il y a le temps de la colère. Les deux sont nés du deuil. Le chagrin dure plus longtemps.
Il peut, si vous le laissez faire, devenir un compagnon, un chat errant qui ne vous quitte plus. Le temps du chagrin viendra : comme le chat, il a plusieurs vies. La colère, elle ne dure pas. Elle détruit le corps, comme un feu dans la maison, puissante, avide.
Et maintenant, son temps est venu.
C'est un peu comme des fantômes, non, les histoires qu'on répète sans cesse et qui ne se taisent pas ?