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Citation de Cielvariable


L'art culinaire et l'hérédité. Hommage à Molière. Mystérieux intermède sur les grands peintres. Signalement de Joseph Pasquier. Une belle figure politique. La loi de 1870 et l'intérêt public. Idéalisme et raison. Un chef-d'œuvre de Courbet. Apologie pour le financier. Métamorphoses du plomb argentifère. Coup d'œil sur un laboratoire et première allusion à la hache.

— Pourquoi veux-tu me faire voir ce bonhomme ? soupira Laurent.

Il avait bien déjeuné. Les vapeurs du kirsch et du moka, remontant des profondeurs, attaquaient et dissipaient toutes ses pensées. Contre cette chimie capiteuse, Laurent luttait sans roideur, soucieux qu'il était d'éclaircir un étrange problème : « C'est curieux, songeait-il, cette cuisine que l'on mange maintenant chez Joseph, c'est, en plus cossu, bien sûr, la propre fille de la cuisine de maman, de la cuisine de chez nous. Quelle filiation mystérieuse ! On ne sent guère la personnalité d'Hélène. Et pas davantage celle des domestiques. Seulement un peu plus de beurre, plus de linge, plus de vin. Mais c'est le goût de chez nous. Il y a une façon d'accommoder le bœuf en sauce que je reconnaîtrai dans mille ans. Et même le goût et même la consistance du bœuf. Comme on devient sensible, après cinq années de bistro ! Quelles pensées ! Quelles pensées ! Est-ce que Joseph m'aurait grisé ? Oh ! je veux dire saoulé, car je garde mon jugement sur tous et sur chacun, cela va sans dire… »

Il répéta, faisant la moue :

— Tu tiens absolument à m'emmener chez ton bonhomme ?

— Oui, dit Joseph, et tu ne le regretteras pas.

L'escalier était spacieux ; Joseph prit le bras de Laurent.

— Je te conduirai moi-même, après cette visite, à la Faculté de Médecine, à la Sorbonne, ou à l'hôpital, comme tu voudras. Et je te répète que tu ne regretteras rien. Regarde, j'ai pris le coupé, plutôt que l'automobile. Question de nuances, Laurent, pour le cas où le bonhomme regarderait par la fenêtre. Et il regardera. Installe-toi, mon petit Laurent. Tu as ta serviette ? Parfait. Quand nous serons là-bas, tu peux ne rien faire du tout. Tu peux aussi, de temps en temps, prendre une note, une adresse, un ordre que je te donnerai pour la frime. Aucune importance. Excuse-moi, mon petit Laurent, mais le principal est que tu aies l'air inoffensif, inexistant. C'est comme ça qu'on entend tout, comme ça qu'on peut tout comprendre. Qui songe à se défier de toi ? Personne. Tu n'es pas Laurent Pasquier, le jeune et distingué – si, si, on le dit déjà – le jeune et remarquable – on dit peut-être remarquable – collaborateur de Renaud Censier – c'est bien Censier, avec un C ? Je te l'ai demandé cent fois, je finirai par le savoir. – Tu n'es pas Laurent Pasquier. Non, pendant dix minutes, un quart d'heure, tu es un petit sot de secrétaire – je mets sot par politesse, pense un autre mot si tu veux – un pauvre petit garçon devant qui un personnage considérable ne doit éprouver aucune défiance.
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