Gérald Pechmèze

La Normandie est sans doute l'une des provinces françaises les plus assurées dans ses stéréotypes, l'une de celles dont la représentation est la plus figée et la plus convenue : son image n'est-elle pas d'herbe, et de pluie, et de vaches, et de colombages, de fromages et de " calva ", de bonnes trognes fleuries à l'air matois, le tout vu par Maupassant ?
Il n'y a pas d'image sans sujet, si déformé soit-il ; et pas de reflet sans trouble, si bon soit le miroir. [...] En fait, parler des beautés de la Normandie est plus facile que de parler de la Normandie, si subtiles soient parfois ses beautés. Car on cerne mieux des paysages, des sites, ou des monuments, que la vie quotidienne, pour ne rien dire de l'âme. D'ailleurs, dans les pages qui suivent, on donne à voir plus qu'on ne parle : après tout, chacun peut bien observer et juger, à sa manière. Ici, et surtout à propos de la Normandie, on ne guide pas, on essaie de ne pas guider : à chacun de se faire une idée — ou des idées — tant cette province est de nuances, et doit se pénétrer faute de s'imposer.

La richesse monumentale de la Normandie trouva son expression la plus originale à l'époque romane dans d'admirables églises abbatiales aux lignes pures, aux proportions hardies, au décor dépouillé ...