On commence à Bruxelles à se trouver aux premiers contacts de la civilisation germanique, et l'on retrouve chez les habitants cette faculté de s'organiser en de formidables groupements politiques, syndicaux, coopératifs ou autres. Les Belges aiment les parades, les défilés musique en tête, en ordre, par groupes massifs.
Malheureusement,cette tendance à la disparition de l'individualité se retrouve sous d'autres formes. Ils supportent beaucoup de choses sans se plaindre, de la part de ceux qui les exploitent ou qui les oppriment, et ce n'est que lorsque leur organisation a donné un ordre de protestation, grève ou autre, qu'ils agissent.
Individuellement, ils supportent sans murmurer de multiples, d'innombrables vexations ou oppressions. En un mot, ils ont l'épiderme beaucoup moins sensible que le Français, qui rue plus facilement dès qu'une mouche le pique.
La guerre n'est que la conséquence logique de l'existence de l'armée
Si l'on ajoute à cela que le Belge est en général francophile, qu'il suffit de mettre sa qualité de Français en avant pour être aussitôt estimé, on se rendra compte que la vie en Belgique est acceptable. Je dois préciser toutefois, que cette francophilie des Belges, c'est surtout vrai pour la partie d'expression française de la population ; chez les Flamands, leurs dispositions à notre égard sont beaucoup plus froides, sinon hostiles.
La stabilité dans l'administration comme dans l'armée est une belle et grande chose. Elle vous donne la mesure de leur médiocrité. Elle vous dispense de tout effort d'intelligence, d'esprit critique et d'observation : la troisième fois que je pénétrai à la Prévôté, deux années après avoir fait ma première connaissance avec ses cellules, ses bâtiments, ses règlements et ses gardes, je m'imaginais être venu la veille, tant rien, ni hommes, ni choses, n'avaient changé de place, de forme ou de mœurs. Les verrous grincent toujours; le pauvre diable qui se morfond dans sa cellule ressemble étrangement à celui que j'y vis l'autre fois et les chiourmes viennent toujours pisser dans la même tinette. Je retrouvai sur le mur les mêmes inscriptions de révolte, de désespoir ou d'obscénité. L'odeur de fauve n'était ni plus, ni moins forte qu'autrefois; décidément, je crus que je me trompais : il n'y avait pas deux ans que j’étais passé ici, c'était hier!