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4.08/5 (sur 6 notes)

Nationalité : Bhoutan
Biographie :

Geshey Chaphu est un moine bhoutanais.

Il est auteur d'une biographie composée en 1966: "Le Fou Divin : Drukpa Kunley, yogi tantrique tibétain".



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Bibliographie de Geshey Chaphu   (1)Voir plus

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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
A l'âge de vingt-cinq ans, Drukpa Kunley était passé maître dans les arts profanes et dans ceux de l'esprit ; il pratiquait la prescience, les matérialisations et les tours de magie. Lorsqu'il revint à Ralung pour rendre visite à sa mère, celle-ci ne sut pas voir son achèvement et le jugea simplement sur son comportement extérieur.
" Tu dois décider exactement de ce que tu es, se plaignit-elle. Si tu décides de te consacrer à la vie religieuse, tu dois travailler constamment au bien des autres. Si tu veux être un chef de famille laïc, tu dois prendre une femme qui pourra aider ta vieille mère à la maison. "
Instinctivement, Trukpa était toujours guidé par son voeu de consacrer sa vue, ses oreilles, son esprit et sa sensibilité pour guider les autres sur la voie. Il comprit que le temps était venu de faire la preuve de sa sagesse folle et néanmoins compassionnée. Il répliqua immédiatement :
- Si tu veux une bru, je vais en trouver une.
Il alla droit à la place du marché où il trouva une vieille rombière d'une centaine d'années, aux yeux bleus, aux cheveux blancs, toute voûtée et à laquelle il ne restait qu'une dent.
- Vieille Dame, lui dit-il, aujourd'hui vous devez être ma fiancée. Venez avec moi !
La vieille femme était incapable de se lever. Alors Kunley la pris sur son dos et l'amena à sa mère.
- O ! Ama, Ama ! cria-t-il, tu voulais me voir prendre femme ; eh bien ! en voici une à la maison.
- Si c'est là ce que tu peux faire de mieux, gémit sa mère, n'en parlons plus. Renvoie-la d'où elle vient ! Je pourrai faire son travail mieux qu'elle.
- très bien dit Kunley avec une feinte résignation. Si tu peux faire son travail, je la ramène.
Et il la reconduisit jusqu'à la place du marché. (...)
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“Le Fou divin” Kunga Legpa'i Zangpo
Moi, Naljorpa toujours errant, j'ai visité une académie Kahgyu,
Et dans cette académie, chaque moine tenait en main une chope pleine de bière ; Aussi, de crainte de devenir un noceur aviné, me suis-je tenu à l'écart.
Moi, Naljorpa toujours errant, j'ai visité l'académie de Sakya,
Et dans cette académie, les moines coupaient les cheveux en quatre sur des points de doctrine ;
Aussi, de peur d'abandonner la vraie Voie du Dharma, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, j'ai visité l'académie de Galden,
Et, à Galden, chaque moine se cherchait un petit ami ;
Aussi, par crainte de gaspiller ma semence, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, j'ai visité une école de Gomchens,
Et dans chaque ermitage, le Gomchen rêvait d'une amante ;
Aussi, de peur de devenir père de famille, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, j'ai visité une académie Nyingma,
Où tous les moines aspiraient à danser la Danse du Masque ;
Aussi, effrayé de devenir danseur professionnel, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, j'ai visité des ermitages de montagne,
Où les moines amassaient les biens terrestres ;
Aussi, de peur de briser mes vœux, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, j'ai visité une fondation Charnal et ses environs,
Et dans ces lieux déserts, des Chamanes Diaboliques songeaient à la renommée
Aussi, craignant de devenir l'esclave des dieux ou des démons, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, j'ai rencontré une caravane de pèlerins,
Occupés à faire du commerce ;
Aussi, de peur de devenir un marchand cupide, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, j'ai vu un centre de retraite,
Où les méditants lézardaient au soleil ;
Aussi, craignant de m'endormir dans la sécurité d'une petite hutte, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, je me suis assis aux pieds d'un Bouddha incarné,
Qui se préoccupait constamment de ses trésors religieux ;
Aussi, redoutant de devenir collecteur d'impôts, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, j'ai connu un Lama que ses serviteurs Considéraient comme leur percepteur ;
Aussi, par peur de devenir serviteur des Disciples, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, je suis allé chez un homme riche,
Les esclaves de la richesse s'y plaignaient, comme les Denizens de l'enfer ;
Aussi, craignant de me réincarner en Seigneur des Esprits Affamés, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, j'ai visité la maison de pauvres et humbles gens,
Qui avaient mis en gage leur patrimoine et leurs biens ;
Aussi, pour ne pas couvrir ma lignée de déshonneur, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, j'ai visité le centre religieux de Lhassa,
Où les hôtesses n'attendaient que les cadeaux et les faveurs de leurs invités ;
Aussi, de peur de devenir un vil flatteur, me suis-je tenu à l'écart.
Naljorpa toujours errant, j'ai traversé tout le pays,
J'ai vu partout des gens faire leur propre malheur ;
Aussi, effrayé de ne songer qu'à moi, me suis-je tenu à l'écart. »
p. 97 et 98
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“Le Fou divin” Kunga Legpa'i Zangpo
« Oh ! Quelle stupidité! s'écrièrent les moines. Ce Drukpa Kunley a vraiment l'esprit dérangé !
— Parce que la femme est la voie par où tout le mal et le bien entrent dans ce monde, elle a la nature de la Sagesse originelle, leur dit Kunley. Et plus tard, lorsque vous avez prononcé vos vœux et que vous avez reçu l'ordination d'un maître spirituel auquel vous avez offert l'or et l'argent sans vous préoccuper du futur, c'est entre des cuisses de femme que vous avez pénétré le mandala. C'est pourquoi, objet de prière ou refuge, je ne fais aucune distinction entre cette femme et ce Stupa. » Les laïcs qui l'écoutaient éclatèrent de rire mais les moines lui lancèrent des regards noirs et chargés de rancune, et se détournèrent de lui. « Nous essayons de préserver les règles sans pareilles de la discipline morale, lui dit le Gardien de la morale, et toi, tu nous tournes en dérision. » Et il saisit un bâton pour le battre. Alors, Kunley entonna ce chant :
« Le fier étalon de Kongpo, sans égal pour l'allure et l'élégance,
Et le cheval noir du Tibet, qui lève haut ses jarrets blancs,
S'affrontent à la course dans la vaste plaine.
Le palefrenier Aku en porte témoignage :
Vois quel est le premier à franchir la ligne d'arrivée !

Le paon du Bengale dont la beauté des plumes est sans rivale,
Et le vautour du Tibet, l'oiseau seigneur aux larges ailes,
Tournoient dans le ciel vide
La neige des sommets en porte témoignage :
Vois lequel possède le regard pénétrant, de l'oiseau !

Le coucou bleu des hautes branches dont le chant est inégalé,
Et le coq rouge au cri assourdissant,
Éveillés tous deux par la saison, chantent à gorge déployée.
Le vieil homme en porte témoignage :
Vois lequel indique l'heure correctement !


La féroce lionne des neiges, dont la patte redoutable est sans pareille,
Et le tigre rayé des Indes, sauvage dans la fureur,
Atteignent dans la jungle de Sengdeng, les sommets de la ruse.
Les Gomchens et les nonnes en portent témoignage :
Vois qui est le vrai maître de la jungle !

Les abbés du Stupa de Palden et les Panditas inégalables,
Et moi, Drukpa Kunley de Ralung, suivant tranquillement le cours des événements,
Nous examinons tous notre accomplissement moral.
La Vérité ultime en porte témoignage :
Vois qui atteint vraiment l'état de Bouddha !
p. 81 et 82
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“Le Fou divin” Kunga Legpa'i Zangpo
Les biographies des saints tibétains sont rédigées dans trois styles différents. La « biographie externe » relate les faits concernant la vie du saint : où il est né, sa jeunesse, comment s'effectua la métamorphose de son esprit, comment il renonça aux huit préoccupations mondaines (la louange et le blâme, la perte et le gain, le plaisir et la douleur, la réputation et l'ignominie), comment il prit conscience du Karma, comment il rencontra son éducateur et se réfugia dans le Lama, comment il pratiqua les préceptes moraux, l'étude et la méditation pour obtenir la compassion relative et la compassion absolue, comment, par la fidélité à ses vœux “SAMAYA” et par l'accomplissement de deux stages de pratique tantrique, il porta son corps, ses paroles et son esprit à la pleine illumination. La biographie externe comprend aussi l'enseignement donné aux disciples ordinaires et aux débutants, et relate les événements de sa vie en termes de perception ordinaire.
La « biographie interne » insiste sur la vie intérieure en décrivant l'univers en termes d'expérience de la méditation et d'étapes de réalisation et se rapporte aux “Dieux”, aux “Dakinis”, aux “YIDAM”, aux Bouddhas et à leur Pur Pays. Elle décrit l'évolution spirituelle en termes d'énergies subtiles et se réfère au corps élémentaire et essentiel (rtsa rlung thigle).
Dans cette œuvre, les histoires sont contées surtout dans le style de la « biographie secrète ». La vie du Lama y est racontée dans les termes mêmes de son activité parfaite et aucune distinction n'est introduite entre les événements extérieurs et la vie intérieure. Le chemin du développement y est achevé et on voit le Maître atteindre le but le plus élevé avec un complet détachement. Il agit hors de toute discrimination, inhibition ou motivation égoïste pour donner un sens à la vie des autres. Cette biographie est appelée secrète parce que si l'on n'a pas pénétré l'état d'esprit du Lama on ne peut le comprendre et parce que, traditionnellement, cette littérature est cachée aux yeux de ceux qui suivent une pure discipline Hinayana ou qui empruntent le chemin altruiste du Mahayana. Un récit non censuré des faits et gestes du Lama peut être générateur de doutes et de peurs dans l'esprit des dévots. Aussi est-il tenu secret, entouré de mystère ; car la vie d'un Bouddha résout les paradoxes et les dualités de l'être. La manière dont Drukpa Kunley se comporte nous fait comprendre comment les Trois Préceptes des Trois Véhicules (Hinayana, Mahayana et Vajrayana) peuvent se combiner sans se contredire nullement.
Nous pouvons comprendre dans cette biographie secrète que Drukpa Kunley choisit ses épouses mystiques comme le fait Milarépa qui se fit assister par Tséringma pour atteindre l'illumination ultime de la sagesse et de la béatitude. Où que le Maître trouve ses épouses, sa grande félicité éveille la perspicacité naturelle de la Dakini. Saraha, après être resté longtemps à l'université de Nalanda, prit pour épouse la fille d'un forgeron (une Dakini) et dit : « Maintenant seulement je suis un vrai et pur Bhikshu. »
La vie de Drukpa Kunley nous montre un esprit libéré des préjugés, des préférences, des tendances et de l'activité mentale qui font naître en nous les tensions et la peur ; elle nous montre un mode de vie libéré des attachements émotionnels et des liens familiaux. Drukpa Kunley nous donne à voir l'indiscipline folle et l'errance libre et, ayant accompli l'objet du Dharma durant sa vie, nous fournit un exemple et une inspiration tout à fait simples. Son comportement met en pratique le précepte de Milarépa : « En ce qui concerne la manière de poursuivre votre quête intérieure, rejetez tout ce qui accroît les poisons de l'esprit et l'attachement à soi même si cela vous semble bon et, à l'inverse, pratiquez tout ce qui s'oppose aux poisons de l'esprit et aide les autres êtres même si cela vous apparaît mauvais : cela est essentiellement en accord avec le Dharma. »
p. 9 et 10
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“Le Fou divin” Kunga Legpa'i Zangpo
… des moines débauchés (du monastère de Tsurphu) et de mauvais présages, il entonna le chant des neuf mauvais Augures et s'en alla.
« Ici, derrière votre monastère, il y a une montagne noire, devant, un lac noir ; noir est le toit du palais, et sombre est la grande salle. Des moines — chiens noirs, un économe au visage noir, un Lama au chapeau noir, un Protecteur de la Réalité noir, des femmes aux tétons noirs ! Je ne resterai pas dans ce lieu des neuf Augures noirs. 
Alors, le Maître de la Vérité, le Seigneur des Êtres, Drukpa Kunley, décida de mettre à l'épreuve la conscience de Sakya Panchen. Il se rendit à Sakya, au temple de la Compassion aimante, au moment même où les moines y célébraient le rite funéraire annuel pour l'incarnation de la Compassion aimante. Il vit immédiatement que celle-ci s'était réincarnée dans un âne qui gravissait la colline avec peine, accablé par un énorme fardeau. Le Lama demanda au maître de l'âne de lui céder l'animal et le mena par l'oreille jusqu'au temple.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? demandèrent les moines.
— Vous le voyez : c'est un âne. Et vous, que faites-vous ?
— Aujourd'hui, nous accomplissons un rite pour le retour de feu notre Lama.
— Comment s'appelle-t-il ?
— Le Tulku* de la Compassion aimante.
— Et où est-il, à présent ? insista Kunley.
— Au paradis de Galden.
— Où est-ce ?
— C'est très difficile à trouver, dirent-ils vaguement, ne pose pas de telles questions ! »
Joignant alors les mains en signe de prière, ils fermèrent les yeux, et ne firent plus attention à lui tandis qu'ils offraient leur intercession en faveur du Rimpoche :
« Bhodhisattva de l'intelligence, qui vois l'identité dans la simplicité universelle !
Grand Être de diamant, orné des cinq perfections de l'Éveil !
Incarnation de la compassion aimante, nous te prions :
Encourage-nous par ta bénédiction suave,
Et accorde-nous la Puissance et la Conscience. »
Le Lama, alors, dédia cette prière à l'âne :
« Ô âne, la plus pitoyable des bêtes !
L'herbe et l'eau te sont rares,
Toi, toujours surchargé,
Nous prions pour ton échine meurtrie,
Pour la bénédiction de tes épaules fourbues. »

Les Lamas étaient outrés. « Prie pour notre Lama, pas pour cet âne ! hurlaient-ils.
— Mais votre Lama s'est réincarné en cet âne !
— C'est absurde !
— Écoutez ! tenta d'expliquer Kunley, lorsqu'il voyageait en Chine, au Tibet et en Mongolie, votre Lama avait l'habitude de surcharger les chevaux de la caravane, le résultat de ce karma est qu'il s'est réincarné en âne. »
----
* note 3. page 176 : Un Tulku (sprul-sku) est un Lama Bouddha qui s'incarne dans des vies successives pour gouverner, éduquer et inspirer ses disciples dans son propre monastère.
p. 66
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Préface

Éloge de la sagesse folle, à Kunga Legpa'i Zangpo

Au tournant de deux siècles, le XVe et le XVIe de notre ère, l'ordre cosmique se plut à jouer un de ces tours dont lui seul détient le secret. Deux moines, formés à l'école sévère des académies religieuses, rejetèrent l'institution et s'en furent mener une vie errante, studieuse et joyeuse.
Jamais ils ne se rencontrèrent, jamais ils n'eurent connaissance l'un de l'autre. Pourtant, on peut se plaire à imaginer la rencontre, chronologiquement possible, de ces deux « buveurs très précieux », l'un de vin l'autre de bière, le Français Rabelais (1495-1553) et le Tibétain Kunley (1455-1570).
Tous deux lancèrent leurs foudres contre la religion établie, amasseuse de biens, avide de puissance temporelle et de pouvoir politique, plus attachée aux rites qu'à la vraie foi. Si les historiens s'accordent à voir dans cette période du XIVe et le XVIe siècle l'âge d'or du bouddhisme tibétain, ils notent aussi que les écoles qui se créèrent et prospérèrent alors entrèrent en rivalité pour d'autres objets que la juste pratique de la Voie. Face à ces forces belliqueuses et jalouses de leur influence, les moines errants, les Naljorpas, opposèrent leur sagesse folle, comparable en bien des points à celle d'Érasme, de Budé, de Rabelais.
Les armes de Drukpa Kunley sont le rire, la dérision, le choc psychologique. Loin de limiter ses attaques aux moines orgueilleux et opulents, il les dirige contre tout ce qui révèle l'ignorance, le dogmatisme, l'égoïsme, la lourdeur d'esprit. Emploie-t-il un vocabulaire grossier, ce n'est que pour briser les attitudes pesantes de ses auditeurs, pour les ouvrir et semer en eux une graine d'éveil, pour leur montrer le chemin de la libération. Adopte-t-il un comportement inattendu, choquant de la part d'un religieux, cruel parfois, c'est toujours pour l'amour des êtres, pour les délivrer du carcan mental de la logique qu'ils s'imposent à eux-mêmes.
Agressés par les élucubrations apparemment absurdes du Lama, ils ne peuvent que fuir ou libérer leur potentiel de saisie poétique du monde, au-delà de toute catégorie. La réalité perd brutalement de son évidence rationnelle et l'homme, soudain allégé du poids des certitudes, prend conscience que son image du monde n'est qu'une représentation parmi d'autres, un simple phénomène sans substance.
Qu'au-delà du temps et de l'espace, ils se rencontrent enfin, Kunley le Tibétain et Rabelais le Français, dans ces vers qui ouvrent le Gargantua et peuvent aussi ouvrir ce livre :
Amis lecteurs qui ce livre lisez,
Dépouillez-vous de toute affection*,
Et, le lisant, ne vous scandalisez :
Il ne contient ni mal ni infection.

D. DUSSAUSSOY

*(entendu comme : avec affectation)
p. 7 et 8
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“Le Fou divin” Kunga Legpa'i Zangpo
« Tu ne portes pas les vêtements d'un Lama, ni d'un moine, ni d'un sage, lui dit un vieil érudit, tu fais ce qui te convient et tu offres un mauvais exemple aux gens du commun. Tu devrais trouver une maison et t'y installer de manière durable au lieu de vagabonder sans but et sans utilité comme un chien. Tu critiques tous les religieux. Pourquoi fais-tu cela ?
— Si je devenais Lama, je serais l'esclave de mes disciples et je perdrais ma liberté d'agir. Si je me faisais ordonner moine, je devrais observer la discipline, mais qui peut ne jamais rompre ses vœux ? Si je devenais un sage, je devrais m'attacher à découvrir la nature de l'Esprit, comme si ce n'était pas l'évidence même ! Que je sois ou non un mauvais exemple ne dépend que de l'intelligence de celui que cet exemple inspire. En outre, si un homme est destiné à passer son temps en enfer, ce n'est pas d'imiter le Bouddha qui le sauvera. Et s'il est destiné à devenir Bouddha, les vêtements qu'il porte importent peu, car son action, quoi qu'il fasse, est naturellement et spontanément pure. Espérer un foyer, ou se concentrer sur un but purement matériel détourne de la Voie car cela renforce l'idée du moi et du mien. Aussi loin de vénérer les moines je vois que leur capacité d'attachement émotionnel est, dans cette mesure, supérieure à celle des laïcs. Quoique d'ordinaire, les raisons premières pour lesquelles on fonde un monastère, un lieu où les disciples pourront méditer, soient louables, dès qu'apparaît le besoin de protection commune qui crée la contestation au-dedans et la discorde au-dehors, ce qui était au début une communauté sainte, devient un repaire de brigands, car chacun y est rattrapé par ses motivations égoïstes. »
p. 98 et 99
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“Le Fou divin” Kunga Legpa'i Zangpo
— Alors, reprit l'abbé, j'attends de toi que tu te conduises correctement et que tu ne fasses pas l'imbécile. A présent, je te prie de faire une offrande de bière. »
Tenant alors un pot de bière devant lui, le Lama fit cette offrande et cette intercession :
« Accepte cette offrande, Grand Porteur de la Foudre,
Puisses-tu vider le samsara de toute souffrance.
Accepte cette offrande, Tilopa,
Et montre-nous la nature de notre esprit.
Accepte cette offrande, Pandita Naropa,
Et éclaire la voie du messager.
Accepte cette offrande, Traducteur Marpa,
Et livre-nous le sens de l'Enseignement secret des Lamas.
Accepte cette offrande, Milarépa,
Et fais-nous renaître dans une famille sans défaut.
Accepte cette offrande, Ngawong Chogyal,
Et rends-nous capables de renoncer à notre patrie.
Acceptez cette offrande, Professeurs de Logique,
Et faites apparaître le monde juste dans vos débats.
Acceptez cette offrande, Lamas de petits monastères,
Puissent les querelles mesquines et égoïstes se régler à l'amiable.
Acceptez cette offrande, Gomchens et Naijorpas,
Puissiez-vous briser le cul des nonnes.
Acceptez cette offrande, filles de la place du marché,
Que votre sexe vous rapporte de quoi manger et vous vêtir.
Accepte cette offrande, Drukpa Kunley,
Puisses-tu porter ta richesse à la pointe du pénis ! »
« Maintenant, bois ta bière et dégage ! dit l'abbé quand le Lama eut fini. Ne tourne pas autour de ma cérémonie initiatique.
— D'accord, dit Kunley. Ta charge te rapporte de quoi payer le fourrage de tes chevaux. Pour ma nourriture spirituelle, j'irai chez Adzom. »
p. 150
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“Le Fou divin” Kunga Legpa'i Zangpo
Pendant que l'abbé continuait d'accomplir le rite, Kunley parcourut la place du marché, main dans la main avec Dame Adzom, lui pelotant les seins, l'embrassant, jouant et riant, faisant tout ce qui lui passait par la tête. Alors, un homme nommé Sithar Gyalpo sortit de la foule où il était assis.
« Les choses comme celles-là doivent être faites la nuit, quand personne ne peut voir, dit-il. Néanmoins, rien de ce que tu peux faire ne peut détruire notre foi en toi ni notre concentration. S'il te plaît, ne quitte pas la place du marché sans nous donner la bénédiction de MANI PEME.
— Sans aucun doute, je vais vous bénir »,dit le Lama. Et il chanta :
« OM MANI PEME HUNG
Les gens disent que Drukpa Kunley est complètement fou ;
Dans la folie, toutes les formes sensorielles sont la Voie !
Les gens disent que le sexe de Drukpa Kunley est immense ;
Son membre apporte la joie au cœur des jeunes filles !
Les gens disent que Drukpa Kunley aime trop le sexe ;
Le résultat de ses congrès est une armée de beaux enfants !
Les gens disent que Drukpa Kunley a un cul étonnant et fort ;
Un cul puissant raccourcit la corde du Samsara !
Les gens disent que Drukpa Kunley a une veine rouge vif ;
Une veine rouge rassemble un nuage de Dakinis !
Les gens disent que Drukpa Kunley ne fait rien que bavarder ;
Ce bavard a quitté son pays natal !
Les gens disent que Drukpa Kunley est extraordinairement beau ;
Sa beauté le rend cher au cœur des filles de Mon !
Les gens disent que Drukpa Kunley est un véritable Bouddha ;
Quand on soumet les ennemis de l'ignorance, la conscience grandi ! »
p. 148
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“Le Fou divin” Kunga Legpa'i Zangpo
Au temple de Ramoche, il trouva des moines engagés dans une discussion métaphysique. Jugeant qu'il ne fallait pas laisser passer cette occasion de leur apprendre à rire, il demanda : « Que faites-vous, ô moines ?
— Nous purifions notre esprit des doutes et de ce qui en perturbe l'harmonie.
— Je connais moi-même un peu la métaphysique », répliqua-t-il.
Ayant dit, il les gratifia d'un énorme pet en plein dans les narines. « Qu'est-ce qui est premier, l'air ou l'odeur ? »
Les moines se mirent en colère et voulurent le chasser. « Nous n'apprécions pas ta forme d'humour ! »
Et ils l'injurièrent.
« Ne soyez pas si fiers, détendez-vous un peu ! Mes manières et les vôtres diffèrent, c'est tout. Les miennes sont pleines d'urbanité, les vôtres pleines d'orgueil et de convoitise ! Et maintenant, ajouta-t-il, veuillez, je vous prie, m'annoncer au Bodhisattva de l'Intelligence, Tsongkhapa.
— Qu'apportes-tu en offrande ?
— Je ne savais qu'il fallait faire une offrande. J'en apporterai une la prochaine fois, mais je dois le voir aujourd'hui.
— Il en apportera une la prochaine fois, raillèrent les moines. On n'avait jamais entendu cela !
— Si c'est absolument nécessaire, reprit Kunley, j'ai ici une belle paire de testicules léguée par mes parents. Cela fera-t-il l'affaire ? »
De nouveau, les moines se mirent en colère et, sans autre forme de procès, le mirent à la porte.
« Dès que j'aurai trouvé une offrande, se dit-il en reprenant le chemin de Lhassa, je reviendrai tourmenter ces moines. »
p. 53
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