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Citation de missmolko1


Anaïs regardait de façon distraite un nu aux couleurs vives et chatoyantes. Sa pensée vagabondait. Elle ne parvenait pas à se défaire de la sale impression que lui avait laissée Éric. La veille au soir, alors qu’elle et lui sortaient d’une fête entre amis où ils s’étaient rencontrés, Éric lui avait passé le bras autour de la taille avant de tenter de l’embrasser. Son geste ne l’avait pas surprise. Ils n’avaient pas cessé de se chercher des yeux durant toute la soirée. Éric était son genre. Mince, élancé, charmeur et blond. Anaïs préférait les blonds, sans doute parce qu’elle associait la blondeur à une certaine douceur de caractère. Puis elle aimait la peau soyeuse des blonds, une peau douce au toucher, comme la peau des femmes. Anaïs a examiné le nu d’un peu plus près. Une jeune femme aux cheveux courts montre un dos étincelant de lumière. Occupée à sa toilette, elle se tient devant un miroir où l’on aperçoit dans un reflet un meuble en bois peint. Le modèle n’était pas exceptionnel, les formes du corps étaient loin d’être parfaites. Ce dos pourtant, ainsi que les fesses et les jambes très légèrement fléchies, ce dos nu attirait l’attention. Sans réfléchir Anaïs s’est dit qu’elle aurait bien aimé qu’un peintre la représente de cette manière, c’est-à-dire avec amour. Souvent les nus ne semblaient avoir été peints que pour le désir des hommes, afin de les faire bander en somme, songeait-elle avec agacement. Dans cette toile au contraire le peintre ne cherchait pas à exhiber son modèle au regard de tous mais à montrer aux autres sa passion. Anaïs a compris ce qui l’avait dérangée dans le geste d’Éric. Il lui avait passé le bras autour de la taille pour la ramener vers lui à la façon d’une chose. Quand il avait incliné son visage vers le sien à la recherche de ses lèvres, elle avait instinctivement détourné la tête. Lui n’avait pas caché son dépit. Alors qu’elle cherchait déjà à se dégager de son étreinte, il l’avait retenue contre lui, insistant. Tu cherches quoi ? lui avait-il demandé d’une voix rude qui laissait entendre l’âpreté de son désir. Elle l’avait aguiché toute la soirée, devait-il penser, il fallait maintenant qu’elle s’exécute. Puis il s’était repris, conscient de sa maladresse sans doute. Tu es très belle, lui avait-il dit en changeant de ton et en relâchant son étreinte, à nouveau séducteur. Anaïs s’était aussitôt dégagée de ses bras, rapide et vive : il n’avait eu que le temps de la voir lui échapper. À un bon pas de lui, elle s’était brièvement expliquée. Pas ce soir. Désolée. Je suis crevée. Puis elle l’avait planté là sans attendre sa réponse. Ce matin, au réveil, elle avait décidé qu’il s’agissait d’une affaire classée. Elle avait par bonheur peu de chances de le revoir. Les amis chez qui elle l’avait rencontré n’étaient que de vagues connaissances qu’elle fréquentait de loin en loin. Elle était parvenue à chasser cette histoire de son esprit quand celle-ci s’était rappelée à elle de façon incongrue pendant qu’elle admirait cette toile. Éric n’était au fond qu’un sale type. Elle a noté un détail du tableau qui lui avait échappé. Un petit miroir de table situé sur la gauche réfléchit une lumière vive qui irradie le dos de la jeune femme. Anaïs a cherché la source de cette lumière pour comprendre que celle-ci se trouvait au point exact où elle se tenait elle-même. L’éclairage du tableau présupposait une fenêtre qui ne pouvait être que le regard du spectateur. Anaïs n’a pu s’empêcher de sourire, heureuse d’avoir percé ce qu’elle jugeait être le mystère de cette toile, puis sans raison, comme on passe du coq à l’âne, elle a éprouvé une furieuse envie de vivre qui a auréolé son visage de jeune femme. Elle avait fêté ses vingt-deux ans quelques mois auparavant.
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