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Citations de Gilles Pétel (32)


Anaïs regardait de façon distraite un nu aux couleurs vives et chatoyantes. Sa pensée vagabondait. Elle ne parvenait pas à se défaire de la sale impression que lui avait laissée Éric. La veille au soir, alors qu’elle et lui sortaient d’une fête entre amis où ils s’étaient rencontrés, Éric lui avait passé le bras autour de la taille avant de tenter de l’embrasser. Son geste ne l’avait pas surprise. Ils n’avaient pas cessé de se chercher des yeux durant toute la soirée. Éric était son genre. Mince, élancé, charmeur et blond. Anaïs préférait les blonds, sans doute parce qu’elle associait la blondeur à une certaine douceur de caractère. Puis elle aimait la peau soyeuse des blonds, une peau douce au toucher, comme la peau des femmes. Anaïs a examiné le nu d’un peu plus près. Une jeune femme aux cheveux courts montre un dos étincelant de lumière. Occupée à sa toilette, elle se tient devant un miroir où l’on aperçoit dans un reflet un meuble en bois peint. Le modèle n’était pas exceptionnel, les formes du corps étaient loin d’être parfaites. Ce dos pourtant, ainsi que les fesses et les jambes très légèrement fléchies, ce dos nu attirait l’attention. Sans réfléchir Anaïs s’est dit qu’elle aurait bien aimé qu’un peintre la représente de cette manière, c’est-à-dire avec amour. Souvent les nus ne semblaient avoir été peints que pour le désir des hommes, afin de les faire bander en somme, songeait-elle avec agacement. Dans cette toile au contraire le peintre ne cherchait pas à exhiber son modèle au regard de tous mais à montrer aux autres sa passion. Anaïs a compris ce qui l’avait dérangée dans le geste d’Éric. Il lui avait passé le bras autour de la taille pour la ramener vers lui à la façon d’une chose. Quand il avait incliné son visage vers le sien à la recherche de ses lèvres, elle avait instinctivement détourné la tête. Lui n’avait pas caché son dépit. Alors qu’elle cherchait déjà à se dégager de son étreinte, il l’avait retenue contre lui, insistant. Tu cherches quoi ? lui avait-il demandé d’une voix rude qui laissait entendre l’âpreté de son désir. Elle l’avait aguiché toute la soirée, devait-il penser, il fallait maintenant qu’elle s’exécute. Puis il s’était repris, conscient de sa maladresse sans doute. Tu es très belle, lui avait-il dit en changeant de ton et en relâchant son étreinte, à nouveau séducteur. Anaïs s’était aussitôt dégagée de ses bras, rapide et vive : il n’avait eu que le temps de la voir lui échapper. À un bon pas de lui, elle s’était brièvement expliquée. Pas ce soir. Désolée. Je suis crevée. Puis elle l’avait planté là sans attendre sa réponse. Ce matin, au réveil, elle avait décidé qu’il s’agissait d’une affaire classée. Elle avait par bonheur peu de chances de le revoir. Les amis chez qui elle l’avait rencontré n’étaient que de vagues connaissances qu’elle fréquentait de loin en loin. Elle était parvenue à chasser cette histoire de son esprit quand celle-ci s’était rappelée à elle de façon incongrue pendant qu’elle admirait cette toile. Éric n’était au fond qu’un sale type. Elle a noté un détail du tableau qui lui avait échappé. Un petit miroir de table situé sur la gauche réfléchit une lumière vive qui irradie le dos de la jeune femme. Anaïs a cherché la source de cette lumière pour comprendre que celle-ci se trouvait au point exact où elle se tenait elle-même. L’éclairage du tableau présupposait une fenêtre qui ne pouvait être que le regard du spectateur. Anaïs n’a pu s’empêcher de sourire, heureuse d’avoir percé ce qu’elle jugeait être le mystère de cette toile, puis sans raison, comme on passe du coq à l’âne, elle a éprouvé une furieuse envie de vivre qui a auréolé son visage de jeune femme. Elle avait fêté ses vingt-deux ans quelques mois auparavant.
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L’instant d’après, debout contre un urinoir, John crut atteindre le nirvana. Son visage exprimait un contentement démesuré. Je vis ! Le train manqué, la pluie, le géant, tout était oublié.
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Le marché était déprimé, la tendance à la baisse. Certains anticipaient la crise. On prédisait une chute des prix de 30 % dans les semaines à venir. Enfin l’appartement était en vente depuis quatre mois déjà. Mrs Doddle était une vieille Anglaise fortunée et veuve. Son patrimoine lui venait de son défunt mari, George Doddle, héritier lointain d’une famille de planteurs installée naguère aux Indes. En bradant le prix de mon bien, avait-elle confié à John, j’aurais l’impression d’être infidèle à George. Puis ces gens du Golfe avaient les poches pleines de pétrodollars. Ils n’avaient qu’à payer s’ils voulaient s’installer à Londres, avait-elle ajouté avec une fierté toute britannique. John avait vu sa commission partir en fumée.
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Imaginer les alpinistes sur les crêtes de l’Everest ! Le froid, la neige, les avalanches. Toutes proportions gardées, John se dit qu’il venait d’affronter une avalanche. Il s’en tirait vivant et c’était l’essentiel. Sous l’impulsion de cette image des cimes il eut soudain envie de monter l’escalier qui conduit à la plateforme d’où l’on peut admirer les arrivées et les départs des trains. Le moral lui revenait. La grande verrière de Saint-Pancras l’éblouit de la même manière qu’un coucher de soleil sur le flanc du Mont-Blanc. Une impression d’immensité majestueuse se dégageait de la voûte bleutée. La grande arche exprimait la puissance de l’Empire. Fuck ! se dit John. C’est vraiment quelque chose !
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Un drame cache toujours une comédie, un petit drame une petite comédie. La solitude de John le renvoyait à sa liberté. Il avait pris la décision de partir. Il voulait voyager. Le voyage, c’est l’aventure, quand bien même celle-ci se réduit à un simple aller-retour entre Londres et Paris pour le temps d’un week-end.
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Machinalement, il jeta un coup d’œil sur l’écran de son téléphone portable. Il n’avait évidemment reçu aucun message. Ses amis le croyaient parti. La tristesse pointait son nez. Au fond sur combien d’amis pouvait-il compter ? Six ou sept, pas davantage. Et encore tirait-il sur la corde fragile de la sympathie. Il ne possédait en réalité pas plus de cinq amis véritables.
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17 h 35. Il était plus que temps d’y aller. Son billet de première classe autorisait John à se présenter seulement dix minutes avant le départ du train au lieu de la demi-heure exigée de la part des voyageurs de seconde. Le vendredi était cependant un jour de forte affluence. Il y aurait la queue au contrôle. Si les mesures de sécurité avaient été renforcées aujourd’hui, comme cela arrivait de plus en plus souvent, John pouvait se voir refoulé et manquer son train.
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On a vite fait de se négliger. Ce n’était pas le cas du serveur que John pouvait observer à loisir pendant que celui-ci remplissait ses chopes de bière. Sa belle gueule d’Apache tropical ne lui suffisait pas. Il possédait encore une musculature précise qui trahissait un entraînement quotidien. Les biceps surtout étaient éloquents. Vraiment parfaits. À croquer. John avait les yeux qui lui sortaient de la tête quand le serveur se retourna dans sa direction pour lui décocher un sourire extatique. Décontenancé, John sentit d’abord une chaleur envahir sa carcasse avant que la machinerie ne se mette en branle. Quel fils de pute ! se dit-il. Le temps qu’il lui renvoie son sourire, l’autre était reparti vers sa clientèle qu’il servait avec une amabilité outrageante.
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17 h 25. Le temps pressait. John hésitait encore. Le serveur décidément lui plaisait. Celui-ci était occupé à servir un groupe d’employés de bureau à en juger par leur costume terne, la chemise à carreaux bleus et blancs mal assortie à une cravate de couleur dont le nœud avait dû être desserré dans la rue. Ils étaient cinq amis agglutinés contre le comptoir, parlant haut et fort de football et de femmes. Ils avaient quoi ? 30, 35 ans ? Et déjà chez trois d’entre eux le front se trouvait dégarni, les tempes grisonnaient. Sous la chemise à carreaux on devinait un ventre rebondi qui rappelait la quinzaine de pintes de bière avalées chaque week-end. John, malgré ses 45 ans, paraissait plus jeune que ces cinq-là, pensait-il. Une main passée rapidement sur son abdomen le lui confirmait. Il n’avait presque pas un pli. En jetant un second coup d’œil au groupe des employés dont les rires bon enfant attiraient les regards, il se dit qu’il serait cependant opportun de se rendre au club de gym cinq fois plutôt que trois par semaine. On a vite fait de se négliger.
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En contrepartie John savait pouvoir compter sur elle pour couvrir ses absences à l’agence. Il ne pouvait lui refuser ce mince service. Le sort en était donc jeté. Ce serait Paris. Une fois hors de l’agence il avait sorti son téléphone portable et envoyé un message au Saoudien. Attrapé un coup de froid. Cloué au lit pour le week-end. Désolé. Un instant plus tard il lui adressait un second texte : see you soon baby.
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Sur le point de quitter l’agence, John avait feint d’hésiter : Paris ou Ali le Saoudien ? C’était à ce moment que Kate, sa collègue, lui avait demandé de lui acheter des pâtes de fruits chez Hédiard. Elle en raffolait. Et bien qu’elle ait pu sans difficulté se les procurer à Londres, chez Harrods ou Fortnum & Mason, elle préférait attendre qu’un ami, comme John, les lui rapporte de France. Une petite boîte ! avait-elle précisé devant la moue de son collègue qui détestait se charger d’une commission. Kate abusait.
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Bar, club, la nuit à l’hôtel Hilton où était descendu le jeune homme pour un peu plus de trois semaines. Ils s’étaient revus dès le mardi. Ils avaient prévu de se retrouver ce week-end. Mais, et c’était là un de ses regrets, si John aimait la deuxième fois, parce qu’il lui semblait prendre possession de ce qu’il avait d’abord convoité, la troisième l’embarrassait. C’était une fois de trop. Il se sentait piégé.
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Le week-end précédent, alors qu’il sortait du Royal Albert Hall où il était allé écouter la dernière symphonie de Mahler, John avait rencontré un jeune Saoudien. Celui-ci descendait tranquillement High Street Kensington quand John l’avait presque renversé dans sa hâte d’attraper un taxi au milieu de la cohue qui s’échappait de la salle de concert. Le Saoudien lui avait jeté un regard où l’étonnement avait vite laissé place au bonheur de l’imprévu. John s’était aussitôt arrêté, renonçant à héler un taxi, et avait engagé la conversation. La suite s’était déroulée comme dans un rêve.
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John dégustait son second verre de bière, l’esprit partagé entre ses préoccupations et le plaisir du moment. Ce verre lui semblait meilleur que le précédent qu’il avait bu trop vite, presque d’une traite. Il en allait de même en amour, pensait John. C’était toujours plus agréable la seconde fois quand l’inquiétude de la première étreinte se métamorphosait en un désir renouvelé, plus confiant, plus sûr.
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Le Financial Times prédit un redressement dès janvier. Février ou mars au pire. On devrait s’en sortir. Le vieux Mc Gallan ne cédera pas son bijou. John trempa avec volupté ses lèvres dans la mousse blanche, fraîche et épaisse de sa Guinness. Comment le patron pourrait-il me licencier ? Kate est incapable de tenir seule l’agence. Mais demain ?
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– Une Guinness, hurla-t-il de nouveau.
Était-ce tellement une bonne idée de partir claquer 3 000 £ à Paris ? John tergiversait. Si je suis viré dans les huit jours, autant en profiter une dernière fois et croquer la galette ou ce qu’il en reste. Après quoi ceinture. La pinte venait d’arriver sur le comptoir. Sa vue réjouit John. Cette crise n’est qu’un bon coup de balai.
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Sans transition on vit apparaître sur l’écran les images d’un attentat à la voiture piégée perpétré à Bagdad. 72 morts. Les images des corps déchiquetés contraignirent une partie de l’assistance à baisser les yeux. John s’aperçut que son verre était vide.
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À Londres les prix de l’immobilier commençaient à chuter, les ventes se raréfiaient.
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Malgré lui John tourna son regard vers cet écran de mauvais augure, fasciné comme les autres par la kyrielle de chiffres négatifs qui défilaient à l’intérieur d’une fenêtre ouverte dans l’image. On pouvait admirer en même temps les cotations de la Bourse et les visages désespérés des employés de Lehman Brothers. John connaissait ces chiffres. Son patron, un vieil Écossais retors, avait réuni le matin même ses deux agents afin de faire le point sur l’état du marché.
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On ne parlait depuis hier que de la faillite de Lehman Brothers. Les images d’apprentis banquiers jetés à la rue, tenant dans leurs bras un résumé de leur carrière, un PC, trois dossiers et quatre chemises plastifiées, le tout rangé à la hâte dans une boîte en carton semblable à celles dont se servent les livreurs dans l’alimentation, ces images diffusées en continu comme l’avaient été celles du 11 Septembre, sidéraient le public, toujours bon public devant les catastrophes en tout genre, écologiques, terroristes ou financières enfin.
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