Car voici des récits italiens et fantastiques, et pourtant vrais. Pour faire connaître les paysans de la Toscane et rendre compte de leur vie morale et matérielle, M. Jean Magherini-Graziani à pénétré dans ce coin reculé de leur âme où vivent leurs légendes, leurs croyances et leurs traditions. Comme tous les paysans, et presque tous les hommes, ils ont eu besoin de regarder au delà de la vie, de croire à des forces cachées, de chercher autre chose que des explications naturelles. Leur âme simple, échauffée par une ardente imagination, munie d'une religion un peu obscure et ignorante, se fait des images sensibles du monde invisible, donne des formes et des voix aux terreurs du soir, de la solitudes des montagnes. Bien moins touchés que les nôtres par les doutes modernes, ils sont hantés de ces choses qui remplirent la pensée de leurs pères du moyen âge : la sorcellerie, les sorts, l'action quotidienne et visible des démons, le retour des morts aux maisons qu'ils ont habitées, l'influence néfaste de certaines personnes et de certains lieux. Une image vivante de l'autre monde est sans cesse présente à l'esprit de ces paysans si gais et si peu portés à la rêverie.
Préface
- Ils n'étaient pas sots, nos anciens, de bâtir ainsi sur le haut des montagnes. On voit qu'ils avaient plaisir à respirer un air fin ; et, dans ces temps-là, on vivait aussi plus vieux. Le malheur est que, pour nous, un air aussi fin ne nous irait pas...
Le livre du commandement
- Cette chambre est celle qu'on nomme chambre de la Négresse, me dit Pippo, parce que, dit-on, un des anciens seigneurs avait une servante négresse, qui mourut ici sans l'assistance d'un prêtre. Elle n'allait pas à la messe, ni à l'église, parce qu'elle n'était pas de notre religion ; on dit que ces gens-là adorent le soleil... Essayez, si vous voulez, de venir coucher ici, il n'y a pas de danger qu'on s'y endormie.
La maison de la négresse
- Je le crois bien, dit la Maria; c'est comme ces gens qui sont toujours à appeler le mal, qui voudraient mourir. Qu'ils aient seulement un mal de tête, et les voilà qui vont faire découvrir la madone et demander guérison. Sur certaines affaires, il vaut mieux ne pas plaisanter, car on n'a pas le dernier mot !
Le Diable
-Si vous ne cessez pas de blasphémer, je ne reviens plus.
-Pourquoi ? demandait Fioraccio
-Parce que j'ai peur quelque fois que le diable ne vous emporte, et ne me prenne avec !
-Le diable ! allons donc ! s'il y avait vraiment un diable, il y a beau jour qu'il serait venu me faire une visite.
Fioraccio
Si Virgile, seul des poètes latins, s'est plu aux fantômes et aux revenants, c'est que dans son enfance, sur les plaines marécageuses de Mantoue, où le Mincio s'étend en lagunes malsaines, il a vu, dans l'air impur des nuits, passer des formes blanches et vagues.
Préface
Elle disait des hérésies, et se desséchait de jour en jour. On se mit à l'appeler sorcière...sorcière par-ci, sorcière par-là !...Si bien qu'elle passe vraiment pour sorcière, et personne ne veut la voir autour de la maison...
La sorcière
Dans certains endroits, on dit aussi qu'il y a des âmes confinées, qui ne peuvent pas sortir de là; elles ne font de mal à personne, mais elles ne laissent guère dormir. Il peut aussi y avoir des âmes qui ont besoin qu'on leur fasse du bien...Que voulez-vous que je vous dise ?...Il y a bien des cas où l'on a fait dire des messe, et après les messe, on n'a plus rien " entendu ". Mais ici, non ! on a toujours " entendu ", et au-dessus aussi...
Le livre du commandement
Jean Magherini alla à l'école à Figline. Il eut le bonheur d'y rencontrer un maître excellent, auquel il doit, dit-il, le meilleur de ce qu'il sait. Il doit surtout à lui-même, car il ne fréquenta jamais aucun lycée, aucune Université. Son goût pour la lecture, son désir, de s'instruire, l'étude passionnée qu'il a consacrée l'art toscan et aux grandeurs passées de son pays, ont porté son esprit à un rare point de culture.
Préface
-Ecoute, ce n'est pas la peine d'en dire bien long ! tu aurais dû comprendre, depuis longtemps déjà, qu'ici il n'y a pas de place pour toi. C'est être un peu trop bête, que de venir par force dans les maisons où l'on ne veut pas de vous. Il serait temps d'en finir.
Le livre du commandement