VLEEL 221 Rencontre littéraire avec Rosalie Roy-Boucher et Guillaume Marie, Éditions Bouclard
Des poissons eux aussi portent le nom de labre
Des poissons eux aussi portent le nom de labre.
Famille des labridés, Labridae.
Ainsi appelés parce qu’ils ont des lèvres proéminentes.
(lèvre = labrum)
Il paraît qu’il en existe quelque 330 espèces.
Labre traître (ou labre à long museau)
labre rasoir
labre merle
labre mêlé (ou vieille coquette)
labre nettoyeur commun
labre nettoyeur à queue rouge
labre à six bandes
labre Napoléon
labre à frange
labre à tête de mouton
labre oiseau
etc.
Il aimait les petites fleurs moches
Il aimait les petites fleurs moches, les piquants des chardons. Quand il s’arrêtait de marcher, sur la route, il regardait les plantes, touchait doucement celles qui s’insinuaient entre les pavés, celles qui montaient sur les murs, qui n’avaient pas besoin d’eau, les petits arbres coincés, les lierres.
Il avait plein d’amour. Il regardait les choses intensément. Il voyait bien cela, que tout complotait à prier, que tout avait un chant, même les pierres.
Parfois, il ne faisait rien et cela suffisait. Il regardait le ciel, écoutait les oiseaux. Il était très heureux. Il avait quelque chose avec les oiseaux, comme François.
Il n’avait plus de famille.
Il se trompait parfois de route.
Il n’avait rien contre personne.
Il ne sacrifiait rien. Tout était naturel.
Il aimait les orties, les corbeaux. Il se mettait à l’écoute de la grande joie des êtres.
…
Sainte qualité ou grand défaut
Sainte qualité ou grand défaut, le principal caractère que les Anciens prêtent aux poissons est leur incapacité à frayer avec les hommes. Il est absolument impossible de les domestiquer, contrairement aux aigles, ânes, poules et lions. Ni même de les approcher. Pas un qui viendrait manger dans nos mains. Aucun tour de cirque. Quand ils nous voient, c’est la fuite.
Je pense sincèrement que les pêcheurs ne pêchent pas pour manger les poissons. Ils les pêchent pour les voir. Pour les regarder dans les yeux, pour les tenir dans la main, pour réparer l’outrage qu’ils leur font de vivre dans la mer. On pêche par curiosité mauvaise, par jalousie, parce que cela est insupportable de laisser vivre ces bestioles dans un univers si différent du nôtre et qui paraît plus grand. On les amène à l’air, et tant pis s’ils en meurent. Voici le premier temps. Dans le deuxième on les goûte et d’accord : mangeons-les.
Dans un récit célèbre, Nicolai Gogol raconte l'histoire du nez qui s'enfuit du visage de Platon Kouzmitch Kovaliov, à Saint-Pétersbourg, un 25 mars des années 1830. A peu près 150 ans plus tard, Gianni Rodari relate à son tour qu'un nez a décidé de prendre son indépendance du corps d'un homme – on ignore son nom mais on sait où cela s'est passé : à Laveno-Mombello, dans la province de Varèse. La chose n'est pas si rare. Les archives départementales de la Manche consignent un cas similaire à Villedieu-les-Poêles au XVIIIe siècle. A la fin du Moyen-Age, un fabliau dit qu'un moine d'Oxford s'est réveillé sans son organe olfactif. Et bien sûr dans Évagre le Scholastique vous trouverez l'histoire de la femme syrienne qui a perdu son nez.
En 2020 il est arrivé la même chose à notre voisine.
Au-delà/des endroits dispersés
Au-delà
des endroits dispersés
qu'avons-nous
qu'avons-nous là
un espace dispensé
d'horizon
une plage de vide
un cabot — moi
au milieu de tout cela
n'avons-nous pas aussi
sur le dos
des envies anciennes
chien courant vers la mer
clebs qui a peur du vent
galeux qui fouille le sable
cou bas de bête lasse
aboiements gras
puces qui courent sur le ventre
besoin de se jeter sur l'air
qu'avons-nous
boues
murs autour de nous
crasses
Depuis la route
Depuis la route, il voyait les saisons passer, le gens faire les travaux des champs, se draguer dans les auberges, mourir. Il voyait des voleurs et des volés. Il voyait la pluie tomber, le soleil cuire, les vaches paître. Qu’importait.
Parmi les gens qu’il croisait, ses préférés étaient les mendiants. Ils vivaient en bande, ils avaient un de leurs pieds beaucoup trop gonflé, ou des plaies sales, du pus ou un seul œil, ils boitaient ou ils faisaient semblant. Ils n’avaient pas toujours toutes leurs dents. Ils étaient suivis par les mouches. Pour mendier, ils pouvaient surjouer la bassesse. Les gens les faisaient chasser. Il voulait leur ressembler.
Ils étaient pourtant quelquefois insupportables. Souvent querelleurs, violents, ivres. Il mendiait pour eux, il ne gardait jamais rien.
(la tique a besoin…
(la tique a besoin
de ton mollet
sous ta chaussette
fais-lui un abri confortable
tu ne vas pas laisser un animal
abandonné
chacun fait un petit effort
pour accueillir les choses qui sont dans le besoin
un peu de sang qu’-c que c’est
c’est une question de solidarité)
Qu’est-ce que vous faites ? C’est Deslandes qui te répond : j’ai gagné un pari. Georges a un petit geste de sa main libre qui veut dire : je n’ai pas eu le choix. Deslandes te dit : viens.