Guy Teisseire

C'est après avoir regardé le film La bande à Baader sur ARTE que j'ai éprouvé le besoin de relire ce roman paru en 1981 qui restitue beaucoup mieux que le film de Uli Edel (2008) le contexte de l'époque et les motivations des protagonistes.

Les services spéciaux allemands et français oeuvrent à la «neutralisation» de Birgitt Haas après son évasion de la prison de Moabit. Elle fait l'objet d'une surveillance étroite, et fuit de ville en ville consciente du sort qui lui est réservé après la disparition de ses amis dans « (...) cette épidémie de "suicides" dans les prisons (...)» .

L'auteur établit un parallèle très juste entre les membres de la Fraction Armée Rouge et les services spéciaux qui les combattent soulignant la même désillusion chez les uns et les autres et l'écart entre les objectifs avoués et les moyens mis en oeuvre.

Athanase, un ancien des services spéciaux qui a connu l'époque de l'Algérie et de l'OAS... vit ses derniers mois dans le service, il déclare «(...) j'ai perdu la plupart de mes illusions. Mon métier ne se conçoit pas sans un profond "sens de l'État" et c'est une piètre révélation de s'apercevoir un jour qu'on se bat pour défendre quelques recettes de cuisines et une centaine de fromages.»

Du côté de Birgit Haas, ce n'est guère mieux. Sa relation avec Kahled, un Palestinien, la fait douter de la pertinence de sa lutte il lui assène : «(...) malgré vos morts, malgré vos philosophes en pantoufles, vos Marcuse et vos Adorno, vous ne parviendrez jamais à retourner votre peuple, parce qu'il est habillé, logé, nourri et bien nourri. La révolution, c'est pour manger, ma petite, pas pour se faire jouir. Allez Tchao !»

«Et il était parti d'un grand rire.»

Guy Teisseire analyse très justement les motivations de Birgitt, «Les gens n'avaient pas compris leur révolte, la révolte dictée par Marcuse : « Le système établi met tellement en échec la négation qu'elle n'est plus que la parure politiquement sans pouvoir du "refus absolu" - un refus qui semble toujours plus déraisonnable au fur et à mesure que le système établi développe sa productivité et allège le fardeau de la vie..»

Birgit fait partie de cette génération de jeunes Allemands « (...) qui avaient découvert tardivement les anciennes attaches de leurs parents avec le nazisme et leur tardive reconversion dans la social-démocratie, elle avait ensuite basculé dans l'anarchie.»

Les services spéciaux allemands et français mettent sur pied un plan qui doit en principe conduire à l'élimination de Birgitt tout en lui donnant les apparences d'une mort naturelle ou d'un accident.

En principe...

Je vous laisse le soin de découvrir ce qu'il adviendra de ce projet machiavélique qui fait froid dans le dos tant le réalisme de la mise en oeuvre est imaginé avec cynisme et détermination.

D'après ma liste de lectures, j'ai lu cet ouvrage il y a tout juste 36 ans, au moment de sa parution en1981. Pourtant il m'est resté vif en mémoire. Ce qui est d'autant plus surprenant qu'il ne s'agit pas d'une histoire particulièrement spectaculaire. Cela n'est donc guère évident.

Peut-être est-ce ainsi, parce que c'était l'époque de la Rote Armee Fraktion, du Baader-Meinhof, et que lorsque je passais la frontière du Luxembourg avec ses pays voisins, je voyais au postes frontaliers du Grand-Duché toujours les affiches des membres de la RAF recherchés. Ces affiches d'Andreas, Ulrike, Gudrun et consorts je les vois toujours. Certes ce que ces terroristes ont réussi à été largement dépassé par l'horreur dont la Daesh fait aujourd'hui preuve.

Néanmoins, c'est le grand mérite de Guy Teisseire d'avoir su créer ce climat d'angoisses et de menaces de façon exemplaire. En effet, plus convaincant que nombre d'auteurs professionnels du thriller.