Le Bris touchait le fond. Il s'incrusta littéralement dans son siége, comme s'il était aux commandes d'une fusée sur le point de franchir sa vitesse de satellisation, avec pour destination finale les confins de la galaxie.
Il était pourtant le seul flic à s'être bougé le cul la nuit du drame, le seul qui avait eu encore un peu de jugeote au moment des faits. Mais les états-majors n'en avaient cure. Le contexte était si critique que la SRPJ de Rennes avait dépêché un super flic à Brest. Un cow-boy que la réputation précédait. En fait, c'était un peu comme si Jack Bauer prenait la relève de Derrick.
La cruauté des hommes entre eux n'a rien à envier à celle des plus féroces des animaux sauvages. Elle est même bien pire, car dictée par des principes qui guident l'humanité depuis ses premiers pas sur cette Terre, et qui n'ont eu de cesse d'être détournés au profit de quelques individus dénués de toute compassion.
Qui se remet au hasard, prend un aveugle comme guide.
La vue était juste là, face à eux. La rade de Brest. La Penfeld, la tour Tanguy, le pont de Recouvrance, et au-delà, le plateau des Capucins.
La vie est impermanence. Au Japon nous employons le terme "mujo"... Il s'agit d'un concept hérité du bouddhisme selon, lequel rien n'est figé, rien ne dure. Seul compte l'instant. C'est de là que découle la résilience si caractéristique du peuple japonais. C'est aussi la conscience de la dimension éphémère et imparfaite des choses qui nous incite à apprécier la nature et ses saisons. J'y ajoute pour ma part un certain sentiment de mélancolie...
Rijkaard avait coutume de dire qu'il n'y avait que trois saisons dans le Tamil Nadu, celle où il faisait chaud, celle où il faisait très chaud et celle où il faisait trop chaud.
Exceptionnellement, il s'autorisa à déroger partiellement à ses standards et il choisit non pas un mais deux Sex on The Beach. Vodka, liqueur de pêche, canneberge et orange.
Après tout, les migrants ne pouvaient-ils pas servir, en un sens, de race inférieure utile à une fraction plus élevée de l'humanité ?
Tout autour de lui, derrière le voile trouble de cette réalité alternative qu’il ne parvenait plus à quitter, il devinait les lanternes dansant dans les courants d’air et les enseignes luminescentes sublimant la nuit , comme autant de sirènes cherchant à attirer à elles les voyageurs perdus et les âmes égarées.