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Citation de Cannetille


Cette pratique était l’avortement du temps jadis, les enfants qui n’étaient pas les bienvenus étaient exposés, on les confiait aux soins du Bon Dieu et des éléments, on les précipitait dans une chute d’eau ou dans une crevasse. Comme personne n’avait le courage de les tuer, et comme il n’existait pas de bourreaux d’enfants en activité sur la terre d’Islande, la tâche revenait aux mères dont beaucoup perdaient la raison après avoir jeté leur nouveau-né du haut d’une falaise. C’était pourtant ce qu’on attendait d’elles et les motivations de ces exécutions étaient le plus souvent de nature morale, l’enfant n’avait pas de père, il était né d’un propriétaire terrien et d’une fille de ferme, il était le fruit d’un viol ou d’un moment de folie le temps d’une lumineuse nuit d’été. Mais parfois, le motif était également économique, la pauvreté était telle qu’elle ne tolérait pas l’arrivée d’une bouche supplémentaire.
Oui, c’était incroyable, Rögnvaldur Sumarsól avait été un de ces enfants. À ses dires, on l’avait abandonné dans la nature. D’une manière ou d’une autre (on se demande comment ?!), il avait été sauvé et, depuis, il avait passé sa vie exposé aux éléments, c’était dehors qu’il avait cheminé, dehors qu’il avait arpenté versants et vallées telle une incarnation, un porte-parole de cette cohorte invisible, de cette partie silencieuse de la nation, peut-être seul survivant parmi les milliers de nouveau-nés qui avaient hurlé au fond des crevasses et des précipices d’Islande, ce pays si cruel avec ses habitants qu’il en réclamait un dixième : un enfant sur dix devait lui être sacrifié.
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