- Les anges existent-ils en vrai...? demande M. Lock en effaçant le tableau noir couvert d'opérations. Voyons voir... Il y a fort longtemps, tout le monde voulait une réponse à cette question, et un homme très intelligent qui s'appelait Léonard de Vinci s'est penché sur le sujet. Regardez...
M. Lock prit un morceau de craie et commença à dessiner.
- Selon la théorie de Léonard, pour pouvoir voler, un ange devait avoir des ailes grandes comme cela, reprit le professeur en dessinant un homme avec de gigantesques ailes déployées. Et pour pouvoir décoller, il aurait dû avoir des muscles pectoraux attachés à une cage thoracique large comme cela.
Il dessina une poitrine proéminente à l'ange, aussi enflée que celle d'une grosse dinde de Noël.
- Naturellement, Léonard en déduisit que c'était impossible, conclut M. Lock en se retournant vers les jumeaux. Un ange aurait été beaucoup trop lourd pour pouvoir voler.
- Il y a très, très longtemps de cela, le Prince Llewelyn avait un château non loin d'ici. Chaque fois qu'il venait dans ce château, il allait à la chasse et il emmenait son fidèle lévrier irlandais, Gelert.
[...]
Mais ce jour-là, Gelert ne faisait pas partie de la meute.
- Pourquoi ? demanda Hilary.
- Le Prince Llewelyn l'avait laissé au château pour garder son fils, tout bébé, qui dormait dans son berceau.
[...]
- Lorsque le Prince Llewelyn revint de la chasse, poursuivit M. Mulroney, Gelert accourut vers son maître, qui, horrifié, vit que les babines de son chien étaient rouges de sang.
[...]
- Llewelyn courut jusqu'à la chambre de son fils, reprit M. Mulroney, mais le berceau était vide.
[...]
- Le bébé n'était plus là. Et les couvertures et le sol étaient couverts de sang.
[...]
- Alors, enchaîna--il, Llewelyn tira les conclusions qui s'imposaient : Gelert avait tué son fils. Il sortit sa dague ornée de pierres précieuses, la brandit au-dessus de sa tête, et la plongea dans le flanc de Gelert.
- Mais...
- Et au moment où Gelert rendait son dernier soupir, on entendit des pleurs. Llewelyn repoussa les couvertures et découvrit dessous son fils sain et sauf, auprès du cadavre sanguinolent d'un énorme loup que Gelert avait terrassé.
[...]
- Le Prince Llewelyn avait commis une très grave erreur : Gelert n'avait pas tué son fils mais bien le loup, afin de sauver le bébé. Il paraît, poursuivit M. Mulroney en haussant les épaules, que Llewelyn cessa à jamais de sourire.
- Nous nous posions des questions à propos des anges, dit Amanda.
- Les anges ? répéta M. Lock. Ce sujet est au programme ?
- Non, non, répondit James, nous voulions juste savoir s'il en existait.
- Des sujets sur les anges ?
- Non, des anges.
- Elle n'a pas trop l'air d'un ange, objecta James.
- Comment tu peux le savoir ? Tu n'en as jamais vu.
- Mais j'ai lu beaucoup de choses à leur sujet. Ils portent de longues robes et leurs têtes sont éclairées comme des ampoules.
- Ce ne sont pas leurs têtes, c'est leurs auréoles.
- Et de toute manière, les anges n'existent pas pour de vrai. Sinon, on en entendrait parler aux informations.