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Citation de Cielvariable


Dans le traîneau aux munitions, le jeune lieutenant se tenait toujours droit debout, les bras étendus, comme une statue implorant la grâce du ciel sur un monde de fumée et de feu.

Puis tout retomba sur le sol, un mélange de neige humide et collante, de terre et de glace qui bientôt recouvrit le lieu du drame. Et au milieu, les lambeaux du traîneau n°1, une montagne de métal et de bois.

- Le... l'adjudant..., hoqueta un des soldats, qui s'était mis à genoux et se pressait les mains sur la poitrine. Schwabe se trouvait pourtant bien dans le traîneau...

Ils bondirent tous et se précipitèrent vers le tas de ferraille.

- Il est foutu..., bredouilla Plotzke en courant. Schwabe est foutu... - Il sentit ses yeux qui commençaient à brûler, et repoussa brusquement les jeunes soldats de la réserve qui lui barraient le passage, apeurés et figés.

- Il est là ! s'écria quelqu'un d'un ton perçant. Là, sous le moteur !

Plotzke se jeta sur la neige, se glissa vers une masse humaine inondée d'essence et d'huile et chercha fébrilement à tâtons un coin de peau nue.

- Il respire encore ! criait-il. Soulevez le moteur, bande d'empotés ! Tous au moteur...

Lorsqu'ils eurent dégagé Schwabe, le lieutenant les rejoignit, et les 57 jeunes soldats, le regard épouvanté, l'entourèrent. Seul Plotzke se mit à genoux près du corps ensanglanté qui reposait dans la neige.

Schwabe était étendu sur le dos, la tête posée sur une planche, et ils le virent tous : il n'avait plus de visage. Là où, auparavant, se trouvaient un nez, une bouche, un menton, et des oreilles, un énorme poing d'acier impitoyable, d'un seul coup, avait tout détruit. Il ne restait plus qu'une bouillie informe, entre des cheveux blonds et une carcasse recouverte d'un uniforme en lambeaux. Le visage avait été comme raboté ; ce n'était plus qu'une assiette rouge avec quelques trous. Rien d'autre.

- Il vit..., dit Plotzke à voix basse. Il vit encore...

- Ce serait préférable pour lui... Le lieutenant ne termina pas sa phrase, mais le sous-officier saisit son pistolet, le visage blafard, la respiration sifflante, comme s'il étouffait. Il tremblait de fièvre.

- Ne faites pas cela, murmura le lieutenant. Même si pour lui c'est la meilleure solution, il ne faut pas...

- Mais il... Ce n'est même plus un être humain...

Le lieutenant fixa Schwabe de son index.

- Regardez-le, vous autres ! Regardez-le bien ! Ce que vous voyez là, c'est le visage de la guerre... Voilà le visage de l'héroïsme dont on nous a tant rebattu les oreilles depuis l'école, dont on nous a appris à chanter les louanges d'une voix émue et tremblante ! Regardez-le bien !
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