De ma chambre à coucher, ce matin, je l’entends trottiner, paisible, ignorante, compter ses prières, les recompter, marcher doucement le temps avec elle, revenir, fouiller un bric-à-brac, le cœur attendri, sans angoisse, ni savoir, dépouillée. Je l’entends vivre de la vie domestique, où le monde comme un lit défait retrouve un ordre matinal sous le lustre qui étincelle lentement, et je respire l’odeur de sa vie dépoussiérée et intacte, j’entends sur ses pas la vie ininterrompue de la maison se perdre en elle, son passé. Mystère de ma grand-mère, et de sa vieillesse éternelle, porteuse d’un temps sans faille, petite et dandinante, silhouette penchée des jours qui passent, contemplative, effacée, modeste grand-mère, s’ignorant elle-même, un peu désorientée quelquefois, me questionnant. Etre très vieille comme elle, analphabète, ne pas savoir.