Hélène Custeau

— En trente ans de mariage, je n'ai jamais trompé Lorraine et je ne suis pas un peureux, se défendit mon oncle Arthur, comme s'il se trouvait au banc des accusés.
— Ni un menteur ? demanda mon oncle Gaétan avant que ma tante Thérèse, sa patiente moitié, ait pu prévenir le coup.
C'est là que j'ai compris véritablement le pouvoir de la ponctuation. Ce point d'interrogation, qui semait le doute sur l'intégrité d'Arthur, généreux donateur à de nombreuses oeuvres charitables, ouvrit les hostilités alors qu'un point d'exclamation aurait mis un terme à la discussion (139).

Une brume vaporeuse recouvre le paysage. On ne voit plus ni ciel ni lac ni montagnes à l'horizon. Notre belle cabane en bois rond navigue dans le brouillard comme un vaisseau fantôme. Tu me manques. Je me sens seule au monde sans toi, bien qu'Élie piaffe et s'ébroue dans mon ventre autant qu'il peut pour me rappeler sa présence. Je t'aime, mon âme seur. Pour l'éternité. Même si je ne crois qu'en l'instant. C'est avec toi que j'ai envie de contempler la beauté du monde. Et je veux qu'Élie te connaisse.
[...]
C'est l'heure, Gabriel. Ton fils va naître. J'ai toujours su qu'il reconnaîtrait mieux que moi le moment de ne plus espérer ton retour et de laisser la vie suivre son cours sans toi.
Je dirai à Élie qu'il ne pouvait pas avoir un meilleur père. Il t'aimera, je t'en fais le serment.
Adieu, mon amour, mon beau sauvage. Je ne peux plus faire attendre la vie.
Car voilà Élie.

— Papa est parti avec maman chercher le nouveau bébé à l'hôpital, m'annonça Marco après avoir dégluti.
Un bref moment, je nous crus seuls à la maison et complètement laissés à nous-mêmes. J'hésitais entre la peur et l'ivresse de la liberté quand Marie fit irruption dans la chambre. Forte de son droit d'aînesse, elle m'ordonna de me lever subito presto* et de descendre déjeuner sans me traîner les pieds dans mes pantouffles, car grand-maman, venue nous garder pendant l'absence de mes parents, nous attendait en bas. Sans l'amour que je vouais à ma grand-mère et à ses merveilleuses crêpes au sirop d'érable, j'aurais fait fi des ordres de Marie en lui répondant par une grimace, l'une de mes spécialités en pareilles circonstances (86-87).

* En italiques dans le texte.

Au milieu d'une page vierge de son cahier de notes, elle trace en lettres moulées le mot qu'elle se retient de prononcer depuis le début de l'entrevue : menteur. Elle passe et repasse sur chaque lettre en appuyant avec son Bic* jusqu'à ce que le mot devienne une sorte de cri de protestation, le cri qu'elle se contente d'étouffer au fond de sa gorge, par conscience professionnelle.
Attendant la prochaine question, l'homme se cale dans son fauteuil de mandarin et, mine de rien, commence à fouiller dans l'échancrure du corsage de Catherine avec ses petits yeux marron auréolés de pattes d'oie et de cernes bistres.

* En italique dans le texte.

Jusqu’à la dernière page, le dénouement peut changer, n’est-ce pas? Face à l’inconnu, tout est possible. Il suffit d’un peu d’imagination.

La première phrase d'un roman est si déterminante que certains lecteurs ne poursuivront pas au-delà s'ils sont déçus.

Le bonheur est une décision qui exige parfois un effort de volonté.

– Inutile de me servir ton proverbial sens de la dérision, je n’ai pas le cœur à rire.
– Pardonne-moi de croire que l’humour nous sauve du désespoir.