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Citation de collectifpolar


— Majesté, votre royaume s’effondre.

La sentence était tombée comme la herse d’une prison. Elle résonna longtemps entre les quatre murs de pierre du cabinet royal. Pieter le Vénérable leva les yeux vers le roi pour voir si sa formule avait eu quelque effet. Mais Livain ne réagit pas. La tête appuyée sur sa main droite, le coude sur le bord de son large fauteuil, il réfléchissait encore, le regard dans le vide.

C’était un roi jeune mais qui avait déjà l’air grave. Il était pieux, fort pieux, on racontait même qu’il aurait préféré donner sa vie à l’Église plutôt qu’à l’État. Mais il avait été couronné tôt, trop tôt peut-être, avant même la mort de son père, parce que celui-ci était tombé bien malade. Bel homme, les yeux en amande, les sourcils longs et fins, la barbe finement taillée, il avait une longue chevelure châtaine qui retombait, lisse, sur le métal lustré de son armure.

Pieter le Vénérable, qui avait, lui, plus de soixante ans, l’avait vu grandir. Il était déjà l’abbé de Cerly quand le jeune homme avait été couronné. Il le connaissait bien mais n’avait encore jamais pu se rapprocher de lui véritablement.

Le matin, on était venu chercher Pieter – qui résidait pour quelques jours dans une maison de l’ordre, au cœur de la capitale – en lui annonçant que le roi réclamait sa présence au plus vite au palais de l’île de la Cité. L’abbé avait tout de suite deviné ce que le souverain désirait. Il cherchait un conseil. Et un encouragement. Le chapelain du roi n’était pas un fin politicien, et Livain ne savait plus à qui demander quelque avis clairvoyant. C’était une opportunité sans précédent pour Pieter le Vénérable. Il allait pouvoir montrer au roi qu’il était un habile diplomate. Enfin !

Depuis la mort de Courage de Blanval – qui avait été l’un des personnages les plus éminents du royaume, pendant les trente dernières années – Pieter le Vénérable espérait bien devenir à son tour le conseiller du roi de Gallica. Élu abbé de Cerly quelques années après que Courage eut fondé Blanval au sein de l’ordre de Cistel, il avait depuis toujours envié la renommée de celui-ci et comptait bien à présent faire revenir l’ordre de Cerly sur le devant de la scène. Et devenir le bras droit du roi par la même occasion. C’était la dernière victoire qui manquait au vieil homme.

Car Cerly lui avait déjà offert une gloire sans pareille. L’abbaye était sans conteste la plus grande, la plus prestigieuse et la plus influente du monde chrétien. Depuis plus de deux siècles, fondée au sein du duché de Burgon, elle n’avait cessé de s’étendre, dans le profond respect de la règle de saint Benoît, et comptait aujourd’hui plusieurs milliers de maisons, non seulement en Gallica mais aussi dans la plupart des royaumes d’Occident. Les papes successifs avaient accordé de nombreux privilèges à l’ordre. Ainsi, Cerly dépendait de la seule autorité de Sa Sainteté. Et son abbé avait obtenu le droit de porter les pontificalia, ces attributs réservés d’habitude aux évêques, tels la mitre, la dalmatique ou les sandales…
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