Citations de Henri Sigayret (49)
La mort passée sous silence dans le discours des alpinistes n'est-elle pas omniprésente dans de nombreuses ascensions? N'est-elle pas l'une des composantes majeures de l'alpinisme traditionnel?
La mort, la fin de la vie. la vie, cette longue course dont on est certain d'arriver au bout.
L'art de vieillir intelligemment impose de ne plus tenir compte des autres, d'être en soi.
Combien de jeunes, de connaissances, d'amis sont morts en montagne? nous les comptons parfois, nous, les vieux, les survivants!
Il est bon de vieillir, il y a dans les morts prématurées de l'inachevé.
Quoi qu'il en soit, je garde au mot alpinisme tout ce qu'il contient de rêves, d'incertitudes, de mystères, de fatigues accumulées dans la durée et non dans un temps minuté, de nuits passées avec le seul ciel comme drap de lit.
Hommes de tous les pays riches, futurs pères, écoutez-moi, n'oubliez pas : Quand votre femme va accoucher, placez-vous derrière les spécialistes, médecin et infirmière. Recevez dans vos bras, votre fille, votre fils, votre enfant. Vos relations avec lui en seront modifiées. Vous ne serez plus celui qui, à la suite de quelques étranges mouvements ludiques, aura participé à créer une vie, vous serez celui qui, le premier l'aura prise dans ses mains. Restera intact en vous l'inoubliable souvenir de ce premier contact.
Femmes de tous les pays riches, maintenant écoutez-moi. Avant de lutter pour féminiser les mots, vous devriez lutter pour que des millions de femmes sur la Terre n'accouchent pas sur la terre battue dans des étables ou dans des taudis, qu'elles disposent d'un minimum de confort, d'hygiène, de sécurité, qu'elles soient assistées par des personnes compétentes.
Le but d'un alpiniste est d'atteindre un sommet, un sentiment d'inachevé accompagne une simple tentative.
Solitude encore, merveilleuse, éternelle solitude qui sera mon espoir, ma fortune, de mon enfance à l'âge adulte, de l'âge adulte à ma vieillesse, de la vieillesse à ma mort.
Ski d'hiver, activité dangereuse mais grandiose. Peur de l'avalanche non décelée. Je serai emporté plusieurs fois par de petites coulées, moments d'une fantastique intensité, la mort soudain perceptible. Fi des existences monotones et sans risque. Ski d'hiver, une montagne à soi.
Mais voici que l'opaque se dilue, la vision s'élargit. Au-dessus de moi, des sommets en bonnet rose. Soudain, le clair a vaincu le sombre.
Rien n'est plus captivant qu'une femme qui enlève ses voiles.
Par beau temps, la montagne est nue.
Si j'ai devant moi quelque sommet connu, je cherche à lire ses reliefs, les rayures sombres de ses couloirs, les taches claires de ses névés. Je cherche des noms de voies, d'alpinistes ayant ouvert des itinéraires, des altitudes.
Quand je me réveille, j'observe les étoiles; quand le ciel est clair, la lune. Elles confèrent aux choses, au paysage qui m'entoure, au vide même quand je suis sur une vire étroite, une étrange et souvent inquiétante irréalité.
J'ai toujours quelque carnet de poésie, quelque petit livre.
Nous n'avons croisé ou doublé aucun promeneur, aucun alpiniste. La montagne est vraiment à nous seuls, richesse du mot solitude.
Le pin est un arbre sensible.
Le sommet, point haut d'une parabole. Pour nous, vieux alpinistes, un parcours incomplet avait pour nom échec.