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Citation de colimasson


Si le mode d’être réel de l’âme est non pas une solitude mais un être-en-dualitude, – si l’âme en son existence terrestre avec la conscience qui lui est propre, est le second membre d’un Tout dyadique dont le Moi supérieur ou céleste est le premier -, cela implique une ontologie rendant possible cette distance et distension que constitue sa présence au monde terrestre, et qui aussi en prévoie la résolution. Cela implique que l’âme ait non pas commencé d’être ici-bas, mais originée ailleurs, soit « descendue sur terre ». En simplifiant à l’extrême, on peut distinguer deux types dans le mode de présence que détermine cette descente sur Terre : il y a un type, disons platonicien, d’incarnation de l’âme descendant toute sur terre après un choix préexistentiel. Et il y a un type de descente de l’âme, disons gnostico-iranien, tel que cette descente résulte du dédoublement, de la déchirure d’un Tout primordial. Mais la possibilité de ce dédoublement doit être dès l’origine fondée dans la structure même de ce Tout, et c’est ce mode d’être que nous essayons de désigner comme « dualitude ». L’âme ainsi incarnée possède un « Pair-companion », un Double céleste qui lui vient en aide et qu’elle doit rejoindre, ou au contraire perdre à jamais, post mortem, selon que sa vie terrestre aura rendu possible, ou au contraire impossible, le retour à la condition « célestielle » de leur bi-unité. Cette ontologie de l’âme est connue bien au-delà des frontières de l’Iran (une même vision « sophianique » s’est imposée, peut-on dire, aux Cathares néo-manichéens, comme à un Novalis ou à un Boehme). Cependant les sources iraniennes manifestent primitivement, par excellence, l’archétype de ce mode d’être.

Dans le mazdéisme, les Fravartis (persan Farvahar) littéralement « celles qui ont choisi » (Lumière contre Ténèbres) ont préexisté aux âmes terrestres. Elles apparaissent d’abord comme les auxiliaires d’Ôhrmazd pour la défense du royaume de Pure Lumière face aux Contre-puissances des Ténèbres. Lorsque la Création fut produite à l’état matériel pour contribuer à cette défense, tous les êtres matériels eurent leur prototype dans des êtres célestes. C’est ainsi que les Fravartis ont été les Doubles célestes des âmes terrestres font elles furent réciproquement chacune l’ange tutélaire (comme la Nature Parfaite à l’égard d’Hermès). Mais la théologie mazdéenne développa et modifia ce theologoumenon. Si finalement âme et Fravarti ont été identifiées l’une à l’autre, c’est parce que l’on concevait les Fravartis comme ayant accepté de quitter le royaume de Pure Lumière (un grand nombre d’entre elles dût-il succomber) pour venir combattre sur terre les Contre-puissances démoniaques. L’âme pure, fidèle à Ôhrmazd sur terre, est donc en fait la Fravarti même; elle en est la condition terrestre. Condition passagère qui n’abolit nullement, comme telle, la structure bi-unitaire. Car alors le Double de la Fravarti devenue terrestre est à concevoir comme sa Daênâ, c’est-à-dire comme son Moi céleste qui est la Lumière de sa foi préexistant à sa condition terrestre. La rencontre eschatologique qui confère sa suprême signification au motif de « l’homme et son Ange », a lieu alors entre la Fraverti et sa Daênâ. L’abolition de la dualitude n’est consommée que si la Fravarti succombe aux Ténèbres. Ce qui est eschatologiquement s’offre alors à l’homme, c’est une fausse Daênâ, caricature de son humanité mutilée, reflet de lui-même réduit à lui-même.
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