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Roger Munier (Autre)
EAN : 9782213012957
Fayard (02/11/1983)
4.43/5   7 notes
Résumé :
Dans ces récits d'initiation qui font suite au texte de Sohravardi traduit et présenté antérieurement par Henry Corbin sous le titre L'Archange empourpré, ce qui nous est proposé est comme une aventure religieuse du Moi profond. Dans la doctrine sohravardienne de l'Ishrâq, l'" Ange " est en effet le double céleste de la psyché terrestre. Etre de lumière qui le fond dans sa réalité d'âme, l'" Ange " est le principe transcendant de son individualité. Le Destin de l'ho... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
On a ici trois conférences données par Henry Corbin en 1970, 1971 et 1977. Elles sont regroupées en vertu de leur thématique commune : l'Ange. En fait, ce n'est pas aussi con qu'on pourrait le croire. Avec nos idées à raccourcis, à cause de mauvais traitements, ce terme de l'ange avait fini par signifier à la limite pédale, mais pas grand-chose de plus. Mais si on se réfère à la doctrine sohravardienne de l'Ishrâq, l'Ange serait le double céleste de la psyché terrestre, le principe transcendant de notre individualité.


Pour comprendre les subtilités de tout ce marasme, il faudra se plonger dans la gnose shî'ite duodécimaine. Pas forcément accessible, il faudra avoir quelques prérequis (Corbin ne se fait pas chier à en donner beaucoup) ou accepter de passer du temps sur chaque paragraphe. On peut aussi reconnaître que ce n'est la raison principale pour laquelle on a ouvert ce bouquin. Alors, pour quoi ? Par exemple pour découvrir les similitudes entre cette doctrine sohravardienne de l'Ange et les différents récits d'initiation qui peuplent la gnose, jusqu'à l'individuation dont parle C. G. Jung en rappelant la nécessité de retrouver le Puer aeternus qui marque « l'avènement céleste de la maturité spirituelle ».


La rencontre avec l'Ange doit se dérouler dans l'Orient moyen ou intermédiaire, qui correspond également au monde de l'Imaginal si cher à Corbin ou encore au monde de la Magia-Imaginatio de Jacob Boehme. Pour y accéder, la compréhension de la fonction transcendante décrite par Jung semble nécessaire comme lien un peu limite et approximatif proposé comme jonction moderniste entre l'Orient et l'Occident.


Souvent, c'est un appel qui nous pousse à effectuer cette rencontre, comme nous le dit si intimement Ostanès le marge perse dans le Livre des Douze Chapitres : « Cette pierre vous interpelle et vous ne l'entendez point ; elle vous appelle et vous ne lui répondez pas. O merveille ! Quelle surdité bouche vos oreilles ! Quelle extase étouffe vos coeurs ! ». On pense au Conte du Graal, on pense plus généralement au chevalier, au javânmard, membre de la chevalerie spirituelle qui, s'il semble livrer un combat contre le monde extérieur, est en fait plus profondément uni à ses semblables par la nécessité de faire advenir celui qu'on appelle le 12e Imâm, le Paraclet ou l'Homme Parfait, en redécouvrant le sens de la Parole perdue. Oui, tout cela ressemble à de la grosse soupe, aussi faut-il prendre le temps d'en extraire les morceaux de légumes les uns après les autres.


« Ces « Amis de Dieu » sont les yeux par lesquels Dieu regarde, c'est-à-dire « concerne » encore le monde, et tous nos spirituels sont d'accord sur ce point : c'est par eux, c'est grâce à leur communauté incognito, grâce à leur pôle mystique qui est l'Imâm, que le monde de l'homme continue de subsister. Il y a là une fonction de salut cosmique qui est infiniment plus grave et a infiniment plus de portée que toute fonction sociale. »


Si chacun d'entre nous a donc un Ange, « l'âme ainsi incarnée possède un « Pair-companion », un Double céleste qui lui vient en aide et qu'elle doit rejoindre, ou au contraire perdre à jamais, post mortem, selon que sa vie terrestre aura rendu possible, ou au contraire impossible, le retour à la condition « célestielle » de leur bi-unité ». Il n'y a donc pas de solitude fondamentale, simplement une dualitude ignorée, et notre comportement ici-bas, par ce qui ressemble à une loi des correspondances, trouverait son écho dans l'au-delà. L'âme et son Ange, comme deux particules imbriquées, peuvent ne pas se connaître sur l'espace de notre monde terrestre mais souffrir ou s'épanouir l'une de l'autre.


« Telle est l'Image enfantée ou l'extase vécue ici-bas par chacun, telle pour chacun sera sa mort. […] Nul ne peut espérer avoir dans l'autre monde la vision qu'il aura refusée ou profanée, livrée aux Ténèbres en cette vie. »


L'approche essentiellement orientalisante de ces réflexions est certainement bienvenue pour la constitution d'une sorte de transversalité soutenue par l'idée d'une religion pérenne mais je, qui dois réapprendre tout le langage de la religion de ma culture, ne pourrais rien retenir de ce pourtant brillant ouvrage prenant pour appui l'islam. Ainsi me contenterais-je (et serais-je ainsi comblée) de m'intéresser à l'Ange selon le christianisme.
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Dans sa première Épître aux Corinthiens, Paul aborde les grandes différences entre notre corps terrestre et notre corps ressuscité (voir 1 Corinthiens 15.35-57). Il met en opposition notre corps terrestre et la splendeur de notre corps céleste (ressuscité) : « le corps est semé corruptible, il ressuscite incorruptible. Il est semé méprisable, il ressuscite glorieux. Il est semé faible, il ressuscite plein de force. Il est semé corps naturel, il ressuscite corps spirituel. » (1 Corinthiens 15.42-44, italiques ajoutés) Pour résumer, notre corps ressuscité sera spirituel, incorruptible, puissant et glorieux.

Nous avons hérité notre corps naturel, parfaitement adapté à notre environnement terrestre, du premier Adam, mais il est devenu périssable à cause du péché. Après avoir désobéi à Dieu, l'homme est devenu mortel. le vieillissement, la détérioration physique et, enfin, la mort nous concernent tous à présent. Nous sommes poussière et retournerons à la poussière (Genèse 3.19, Ecclésiaste 3.20). Notre corps ressuscité, lui, sera « ressuscit[é] incorruptible ». Il ne connaîtra jamais la maladie, la détérioration, la corruption ni la mort. « Lorsque ce corps corruptible aura revêtu l'incorruptibilité […], alors s'accomplira cette parole de l'Écriture : La mort a été engloutie dans la victoire. » (1 Corinthiens 15.54)

À cause de la chute, nous sommes « semé[s] méprisable[s] ». Alors qu'à l'origine, nous avions été créés parfaits, à l'image de Dieu (Genèse 1.27), le péché nous a déshonorés, mais les croyants ont reçu la promesse qu'un jour, notre corps imparfait et méprisable ressuscitera glorieux. Notre corps ressuscité, libéré des restrictions imposées par le péché, sera plein d'honneur et parfaitement adapté à la louange et au service éternel de notre Créateur.

Notre corps actuel se caractérise également par sa faiblesse et sa fragilité. Notre « temple » terrestre est fragile et exposé à une pléthore de maladies. Nous sommes également soumis au péché et à la tentation ; mais un jour, notre corps ressuscitera puissant et glorieux et nous ne serons plus soumis à la faiblesse et à la fragilité de notre vie actuelle.

Enfin, notre corps ressuscité sera un corps spirituel. Notre corps naturel est adapté à la vie sur terre, mais ne peut survivre ailleurs. « Notre nature actuelle ne peut pas hériter du royaume de Dieu. » (1 Corinthiens 15.50) Après la résurrection, nous recevrons un « corps spirituel », parfaitement adapté à la vie au ciel. Cela ne veut pas dire que nous serons pur esprit, car les esprits n'ont pas de corps, mais que notre corps ressuscité n'aura pas besoin de nourriture physique et ne dépendra d'aucun moyen de subsistance naturel.

Les apparitions de Jésus après sa résurrection nous donnent un aperçu de ce que sera notre corps ressuscité. Ses blessures étaient toujours visibles et ses disciples pouvaient le toucher physiquement, mais il pouvait se déplacer sans effort et apparaître et disparaître à volonté. Il mangeait, buvait, s'asseyait et parlait, mais il pouvait aussi traverser les portes et les murs. La Bible dit que notre « corps de misère » sera « conforme à son corps glorieux » (Philippiens 3.21). Les limites physiques dues au péché, qui nous empêchent de le servir pleinement sur terre, auront disparu pour toujours, si bien que nous serons libres de le louer, le servir et le glorifier pour l'éternité.

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Citations et extraits (51) Voir plus Ajouter une citation
Si le mode d’être réel de l’âme est non pas une solitude mais un être-en-dualitude, – si l’âme en son existence terrestre avec la conscience qui lui est propre, est le second membre d’un Tout dyadique dont le Moi supérieur ou céleste est le premier -, cela implique une ontologie rendant possible cette distance et distension que constitue sa présence au monde terrestre, et qui aussi en prévoie la résolution. Cela implique que l’âme ait non pas commencé d’être ici-bas, mais originée ailleurs, soit « descendue sur terre ». En simplifiant à l’extrême, on peut distinguer deux types dans le mode de présence que détermine cette descente sur Terre : il y a un type, disons platonicien, d’incarnation de l’âme descendant toute sur terre après un choix préexistentiel. Et il y a un type de descente de l’âme, disons gnostico-iranien, tel que cette descente résulte du dédoublement, de la déchirure d’un Tout primordial. Mais la possibilité de ce dédoublement doit être dès l’origine fondée dans la structure même de ce Tout, et c’est ce mode d’être que nous essayons de désigner comme « dualitude ». L’âme ainsi incarnée possède un « Pair-companion », un Double céleste qui lui vient en aide et qu’elle doit rejoindre, ou au contraire perdre à jamais, post mortem, selon que sa vie terrestre aura rendu possible, ou au contraire impossible, le retour à la condition « célestielle » de leur bi-unité. Cette ontologie de l’âme est connue bien au-delà des frontières de l’Iran (une même vision « sophianique » s’est imposée, peut-on dire, aux Cathares néo-manichéens, comme à un Novalis ou à un Boehme). Cependant les sources iraniennes manifestent primitivement, par excellence, l’archétype de ce mode d’être.

Dans le mazdéisme, les Fravartis (persan Farvahar) littéralement « celles qui ont choisi » (Lumière contre Ténèbres) ont préexisté aux âmes terrestres. Elles apparaissent d’abord comme les auxiliaires d’Ôhrmazd pour la défense du royaume de Pure Lumière face aux Contre-puissances des Ténèbres. Lorsque la Création fut produite à l’état matériel pour contribuer à cette défense, tous les êtres matériels eurent leur prototype dans des êtres célestes. C’est ainsi que les Fravartis ont été les Doubles célestes des âmes terrestres font elles furent réciproquement chacune l’ange tutélaire (comme la Nature Parfaite à l’égard d’Hermès). Mais la théologie mazdéenne développa et modifia ce theologoumenon. Si finalement âme et Fravarti ont été identifiées l’une à l’autre, c’est parce que l’on concevait les Fravartis comme ayant accepté de quitter le royaume de Pure Lumière (un grand nombre d’entre elles dût-il succomber) pour venir combattre sur terre les Contre-puissances démoniaques. L’âme pure, fidèle à Ôhrmazd sur terre, est donc en fait la Fravarti même; elle en est la condition terrestre. Condition passagère qui n’abolit nullement, comme telle, la structure bi-unitaire. Car alors le Double de la Fravarti devenue terrestre est à concevoir comme sa Daênâ, c’est-à-dire comme son Moi céleste qui est la Lumière de sa foi préexistant à sa condition terrestre. La rencontre eschatologique qui confère sa suprême signification au motif de « l’homme et son Ange », a lieu alors entre la Fraverti et sa Daênâ. L’abolition de la dualitude n’est consommée que si la Fravarti succombe aux Ténèbres. Ce qui est eschatologiquement s’offre alors à l’homme, c’est une fausse Daênâ, caricature de son humanité mutilée, reflet de lui-même réduit à lui-même.
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Dans la doctrine sohravardienne de l'Ishrâq, l'"Ange" est le double céleste de la Psyché terrestre.Etre de Lumière qui la fonde dans sa réalité d'âme, l'"Ange" est le Principe transcendant de son individualité.Il la transcende certes, mais d'une manière qui, loin de mettre en péril cette individualité, pour ainsi dire se consomme en elle.Le destin de l'homme est unique et voué à l'Unique.Mais à un unique qui n'est bien tel que pour chacun.Du même coup, à la formule pour nous traditionnelle de: l'homme et son âme, il convient, nous dit Corbin, de substituer celle plus riche et ontologique, de: l'homme et son Ange.
Elle affirme, au niveau du destin, non la juxtaposition de deux réalités distinctes ou la résorption éventuelle de l'une dans l'autre au sein de l'union mystique ou dans la mort, mais bien le mystère ontologique de Deux, qui restent pourtant Deux, en un Unique.
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Une telle conception, qui remonte sans doute au passé le plus lointain de l'Iran, n'est pas aussi étrangère qu'on pourrait le croire à notre tradition spirituelle.Corbin fait remarquer qu'on en retrouve les traces dans un courant souterrain qui parcourt notre histoire, des Cathares néo-manichéens à Novalis, en passant par Jacob Boehme.Qu'est-ce que l'"Ange" en effet, sinon le monde vrai de l'homme, sa Nature Parfaite qui l'attend, mais dont la permanence céleste, acquise déjà, continûment le porte et soutient au temps de son exil?L'"Ange" est, au fond, son essence accomplie.
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L'âme humaine est venue d'ailleurs.Bien des traditions l'enseignent, depuis Platon.Mais alors que, pour le platonisme, l'âme s'est en quelque sorte enlisée dans l'exil de la chair, "il y a, nous rappelle Corbin, un type de descente de l'âme, disons gnostico-iranien, tel que cette descente résulte du dédoublement, de la déchirure d'un Tout primordial".En s'engageant dans la chair, elle s'est pour un temps seulement séparée de son "Ange".Part intégrante, comme âme, d'un "Tout dyadique" qui la commande au plus intime, elle est, dès ici-bas, en réference constante à son Double céleste.C'est lui qu'elle doit rejoindre à la mort.Mais qu'elle peut aussi perdre à jamais si, durant sa vie terrestre, elle a été infidèle à ce compagnonnage permanent avec cette autre moitié d'elle-même, qui seule peut lui rendre un jour son unité perdue.
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Parmi toutes les définitions de la fotowwat, notre auteur insiste sur celles qui ont été données par les douze Imâms. J’en retiens une ici particulièrement, parce qu’elle marque bien le lien essentiel entre la fotowwat, chevalerie spirituelle, et la fitrat, la nature originelle, authentique, de l’homme. C’est la définition que donne le IIIe Imâm, l’Imâm al-Hosayn, le martyr de Karbala.

La chevalerie spirituelle (fotowwat, javânmardî) consiste, dit-il, à être fidèle au pacte prééternel conclu par la réponse à la question A-lasto ? Ce choix prééternel, qui évoque pour nous le prologue du Gorgias de Platon, transforme complètement l’idée du destin qui a tant préoccupé la théologie islamique, nommément la théologie sunnite. Ici l’homme est responsable préexistentiellement de son destin par la réponse qu’il a donnée à ce moment-là. Aussi l’Imâm déclare-t-il que la fotowwat est la fidélité à ce pacte (dès lors que tu as répondu oui) ; c’est marcher pied ferme sur cette grande route de la religion éternelle que désigne le terme de voie droite (sirât mostaqîm).

Tel est le javânmard, le chevalier de la foi, tandis que d’autre part, la science de la fotowwat est un rameau de la science du soufisme et du tawhîd. Cela implique eo ipso un rapport étroit de la fotowwat avec la triade que nous rencontrons tout au long de la spiritualité islamique : shari’at, tarîqat, haqîqat.

La shari’at, c’est la religion littérale, la Loi religieuse, la religion légalitaire, c’est celle que le prophète-envoyé est chargé de transmettre, de faire connaître aux hommes. La tarîqat, c’est la voie spirituelle, la voie mystique. Le terme peut désigner aussi tout simplement une congrégation soufie, parce que chaque congrégation soufie est une des voies vers la Vérité spirituelle. Mais au sens shî’ite du mot, et parce que la walâyat des saints Imâms est l’ésotérique de la prophétie, le shî’isme est d’ores et déjà lui-même la « tarîqat », la voie spirituelle. Enfin il y a la haqîqat, mot admirable qu’il y’a peut-être quinze façons de traduire. C’est à la fois la vérité qui est réelle et la réalité qui est vraie, le terme connotant ainsi les deux notions de réalité et de vérité ; c’est l’idée métaphysique, c’est l’essence, c’est la gnose. C’est la vérité théosophique, au sens étymologique du mot, personnellement réalisée.

D’une part donc, la fotowwat en son essence nous réfère à la fitrat, à la nature initiale, préexistentielle de l’homme. D’autre part, étant donné le lien entre walâyat, tarîqat et haqîqat, les formes de manifestation de la fotowwat sont inséparables du cycle de la prophétie et du cycle de la walâyat, tels que se les représente la prophétologie shî’ite. (pp. 214-215)
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