Vu de profil, ou vu de face,
Ce maître puissant, dont la trace,
Sentier que l'on suit sans péril,
Invite à marcher vers les cimes
Et prépare aux élans sublimes?
— Vu de profil!
Vu de profil, ou vu de face.
L'artiste modeste qui passe
Sans bruit, estimant puéril
Chez ceux dont le nom toujours sonne.
Ce qui n'a trait qu'à la personne?
— Vu de profil!
Vu de profil, ou vu de face,
Ce disparu dont on efface
L'oeuvre et le nom, talent viril
Autour duquel la vigilance
Des plagiaires fait silence?
— Vu de profil!
Vu de profil, ou vu de face,
L'homme de coeur qui veut qu'on fasse
Moins âpre le chemin subtil
Où trébuche et doute l'artiste
Sans appuis, solitaire, triste?
— Vu de profil!
Vus de profil ou vus de face?
— Heureux d'avoir manqué d'espace
Pour flageller l'être au coeur vil,
Je voudrais plus ample l'hommage
Aux vaillants, aux forts, sur ma page
Vus de profil!
Il y a cent ans, les origines apparaissaient confuses. De bonne foi, personne ne se doutait guère que la sculpture sur le sol de France eût eu ses jours glorieux au temps de Charlemagne et de Philippe-Auguste. Airard, le sculpteur du portail septentrional de Saint-Denis, au VIII' siècle ; Tutilon qui travaillait à Metz en 880 ; Theudon, de Chartres ; Guillaume, abbé de Saint-Benigne de Dijon : Odoranne et Guillaume, de Sens ; Sigon, de Fougères, qui florirent du dixième au douzième siècle, étaient ignorés des critiques et des historiens d'art.
Splendeur du vrai, la beauté pousse au cœur de l'homme des racines plus profondes que la vérité toute seule. Tandis que celle-ci se laisse contempler par l'œil du penseur et s'impose à lui sans l'enivrer, la beauté imprime à son être je ne sais quelles secousses impétueuses qui précipitent les pensées et les sensations au dedans de lui.
LE MARBRE MATIÈRE PRÉFÉRÉE DU SCULPTEUR. — Le marbre doit être la matière préférée de l'artiste. Sa formation lente est un gage de durée. Il ne réclame aucune préparation. Le ciseau peut l'entamer sur le seuil même de la carrière. Ses gîtes sont innombrables.
Certes, voilà qui est rare. J'ai traversé beaucoup d'ateliers. Ce qu'on y trouve en belle place, en pleine lumière, ce sont ordinairement les œuvres de l'artiste que l'on va voir. Faut-il blâmer cette coutume des peintres et des sculpteurs? Pourquoi? Que l'homme d'art se plaise dans le regard fréquent qu'il porte sur ses pensées peintes ou modelées-, cela peut lui être profitable. Si son œil est subtil et fin, si son esprit est indépendant, il devient à lui-même son critique. Qui donc jugera mieux l'oeuvre que l'ouvrier? Au reste, cet entourage de toiles ou de statues peuplant l'atelier du maître qui les a produites, est un enseignement pour le visiteur. Elles complètent l'homme. Elles attestent son activité. Elles portent témoignage de son génie.
Avant que le palais du Champ de Mars eût ouvert ses portes, des critiques se sont plu à exalter le caractère distinctif des Expositions françaises. A Londres, à Vienne, a Philadelphie, disaient-ils, on se sentait dominé par l'industrie; à Paris, c'est l'art qui l'emporte. Alors que les produits manufacturés, les machines, tiennent le premier rang en Angleterre, en Autriche, aux États-Unis, ce sont les oeuvres peintes ou sculptées qui occupent en France la place d'honneur. A les entendre, l'utile a été la préoccupation maîtresse des peuples de l'Europe, lorsqu'ils ont ouvert des Expositions, tandis que le beau nous subjugue et s'impose à nous, alors même que les intérêts industriels paraissent seuls en jeu.
BENJAMIN-CONSTANT - PEINTRE
Certaines victoires éclatent comme une fanfare; elles frappent à l'improviste et rendent indispensables les éclaircissements de l'historien. Par contre, il en est d'autres que tout le monde pressent et, bien avant que la fortune ait marqué du doigt le triomphateur, l'opinion publique le désignait. Tel est le cas de M. Benjamin-Constant, lauréat de la médaille d'honneur en 1896. Il y a près de dix années que ses pairs se montraient disposés à lui décerner cette distinction. Quelques voix à peine lui ont manqué aux derniers scrutins. Cette fois, c'est chose faite. Plus de deux cents artistes se sont comptés sur le nom du peintre, à l'heure de sa maturité.
La vibration prolongée de l'intelligence et de la volonté communique un ébranlement salutaire à l'être tout entier. La soif de l'expression met en mouvement son activité. L'oeuvre qui va sortir de ses mains lui apparaît sous une forme incomplète. N'importe. Il se sent possédé du besoin d'agir. Il souffre du mal divin qui a fait Dante et Phidias. Cette fièvre, ce terrible et doux labeur, durera jusqu'à l'heure où l'idée pressentie aura reçu son équation dans une forme typique.
L'art a-t-il un but, une fin reconnue, essentielle, nécessaire?
Si l'art est une force, il ne peut échapper aux lois qui gouvernent toutes forces, de quelque ordre quelles relèvent. Qu'est-ce qu'une force ! C'est une puissance active. Il ne peut y avoir action sans mouvement. Tout mouvement dérive d'un principe, suit une direction et tend vers un but.
Vous avez vu passer un enfant, une jeune fille, un vieillard: vous vous sentez ému. C'est le Beau qui vous a touché. Il vous attire, il vous ravit. C'est à peine si vous l'avez entrevu, et déjà vous n'êtes plus complètement votre maître. Quelque chose qui n'a rien de raisonné vous emporte. Le Beau ne se juge pas, il commande.