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Critiques de Henry-Louis de La Grange (2)
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Gustav Mahler

Lorsque Henry-Louis de La Grange a publié successivement les trois tomes de sa monumentale biographie de Mahler, certains, à les avoir beaucoup attendus, ne les espéraient plus ou ironisaient en disant que cela était une annonce pour faire parler de soi mais que cela ne verrait jamais le jour, et je pense ici à Jean Matter (Mahler, Editions L'Age d'homme), qui ne fut jamais très tendre envers son cadet mais qui n'aurait pas dû se moquer.

Car Henry-Louis de La Grange a réussi à s'imposer comme le spécialiste incontesté et intarissable sur la vie et l'œuvre de Gustav Mahler (1860-1911). Les Editions Fayard eurent la bonne idée et le courage de soutenir l'entreprise titanesque de l'auteur qui réussit à nous convaincre qu'il nous fallait savoir jusqu'à la manière dont Mahler nouait sa cravate, selon le bon mot de l'un des membres éminents de la Nouvelle École de Vienne.

Henry-Louis de La Grange a alors satisfait notre curiosité au-delà de ce que nous pouvions espérer. J'étais à l'époque parmi ceux qui ne demandaient que cela : tout apprendre et finir par tout savoir sur Mahler, de ses premiers pas auprès d'un père au caractère difficile mais qu'il sut convaincre qu'il avait un rôle à jouer dans la création musicale à sa mort plutôt prématurée alors qu'il n'avait même pas cinquante-et-un ans.



C'était immense : nous avions toute la double vie de Mahler dans le détail, celle du chef d'orchestre et directeur d'opéra, dont la réputation ne fit que croître mais qui connut aussi beaucoup de déboires, et celle du compositeur qui ne réussit pas à s'imposer vraiment avant la création de sa Huitième Symphonie à Munich en septembre 1910. Au fil des pages, nous pouvions lire les réactions des critiques dans les journaux en réaction aussi bien aux interprétations par Mahler des grandes œuvres des répertoires lyriques et symphoniques, qu'aux concerts au cours desquels Mahler créait ou donnait ses propres œuvres. Il eut des ennemis acharnés et des soutiens enthousiastes, et des lauriers lui ont parfois été décernés, mais au total il fut quand même, de son vivant, plus souvent étrillé qu'il ne fut encensé. Le doute ou le désespoir le guettèrent à certains moments, et,malgré tout, il crut obstinément en son étoile. La phrase :est connue : "Mon temps viendra", qui annonçait des lendemains bien meilleurs, mais ceux-ci ne devaient arriver qu'après la Seconde Guerre mondiale, en raison de la folle barbarie nazie et de la vague d'antisémitisme connue en Europe pendant la première moitié du Xxème siècle.

Une autre phrase du compositeur permet de comprendre pourquoi son œuvre subit un long purgatoire : "La tradition,

c'est de la négligence". Mahler était un pont entre l'ancien et le moderne, l'âge classique et le XXeme siècle, passant par ce que l'on a appelé par commodité le post-romantisme, bousculant au passage bien des habitudes et des manières de percevoir et de concevoir les choses, et heurtant bien des oreilles par des sonorités volontairement dissonantes et disharmonieuses ou "cacophoniques", passant du sublime au trivial, et inversement. Aujourd'hui, nous sommes habitués, plus rien ne nous surprend (et pourtant non, tout nous surprend encore, même si, à présent, Mahler est devenu lui aussi un "classique", continuateur de Beethoven, Schumann et Brahms. Son œuvre s'impose à nous plus facilement que celles de Bruckner ou de Sibelius, même si cela est un peu injuste pour les deux autres. Elle dépassemême peut-être, en esthétisme et dans la profondeur du langage musical comme de l'intention créatrice et le génie celle de Richard Strauss, compositeur symphonique et lyrique, encore que Mahler n'ait jamais abordé l'opéra autrement que par des esquisses de jeunesse ou dans le complément apporté à une œuvre intéressante mais méconnue de Weber, Die Drei Pintos.



Avec Henry-Louis de La Grange, nous avons sillonné toute l'Europe, sommes passés partout où Mahler a laissé une trace, de Hall, Laibach, Olmutz, Kassel, Prague, Leipzig, Budapest, Hambourg et Vienne jusqu'à New York, en nous arrêtant quelquefois à Paris, Amsterdam, Prague, Munich, etc. Et nous avons fait, en imagination, un retour dans le temps grâce à l'auteur, et de beaux séjours d'été dans le cadre enchanteur des lieux où il fit surgir du néant et du chaos les purs chefs-d'œuvre sortis de son cerveau et de sa main : Maiernigg et Toblach, par exemple.

Nous avons senti battre le cœur de Mahler pour plusieurs femmes jusqu'à la rencontre déterminante avec Alma Schindler, la muse et la maîtresse de tant d'artistes et créateurs. Et nous avons vu la grande complicité avec une amie et une confidente : Nathalie Bauer-Lechner, qui recueillit pour nous plusieurs réflexions de Mahler. Il eut de

fidèles partisans, ce qui mit un peu de baume sur les blessures d'amour-propre provoquées par des attaques perfides et répétées dont il fut la victime par ceux qui l'attaquèrent, souvent pour des raisons mesquines.



Comme directeur d'opéra (genre d'activité qu'il qualifiait d' "enfer") et comme chef d'orchestre, il eut la réputation d'être perfectionniste ou au contraire innovateur jusque dans les moindres détails, exigeant beaucoup des instrumentistes comme des chanteurs et du public, forçant ce dernier à marquer du respect pour les œuvres par un silence absolu durant les représentations ou les concerts, quand il le pouvait, et interdisant qu'on se déplaçât et qu'on allât et vînt ou que l'on applaudît telle ou telle vedette lyrique pendant l'execution, comme cela se pratiquait apparemment à l'époque. Il eut des relations tendues avec certains membres des phalanges qu'il dirigea, s'acquérant au passage une réputation de despote et de tyran qui ne devait pas cesser de lui coller à la peau. Mahler avait en fait une haute conception de son devoir artistique, et il ne transigeait pas là-dessus.



Mais c'était aussi un homme attentif aux autres, et sensible jusqu'à l'extrême ; il vécut on le sait bien des drames : colères de son père contre son épouse, suicide de son frère Otto, mort de sa fille Maria Anna (Putzi), découverte d'une faiblesse cardiaque pour lui-même, déchirement de devoir abandonner la direction de l'opéra de Vienne à la suite d'une cabale, emprise trop forte sur Alma (l'interdiction qu'il aurait faite de la laisser composer) et choc en retour (la trahison conjugale et la liaison que son épouse entretint avec l'architecte Walter Gropius), voyage à Leyde pour faire un bilan en présence de Sigmund Freud, volonté de reconquérir sa compagne chérie, souffrance et mort dans la force de l'âge. Peut-être passa-t-il parfois à côté des autres sans en avoir pleinement conscience, comme ce fut le cas avec le compositeur et "ami" Hugo Wolf, devenu fou, ou même, visiblement, avec Alma.



On entre aussi, avec Henry-Louis de La Grange, dans l'âme, l'esprit et la pensée de l'homme Mahler, et l'on partage avec lui ses goûts littéraires, poétiques, artistiques, ses idées philosophiques et spirituelles, ses préférences partisanes (une certaine adhésion au socialisme), son genre de vie (pratique d'un régime végétarien), ses amitiés,

ses passions, ses coups de cœur, sa vie au quotidien, la tension entre des activités professionnelles accaparantes et

un appel constant chez lui à se retirer dans un profond recueillement et un complet silence pour pouvoir composer, ce qui imposait bien des contraintes à son entourage.



Les Editions Fayard poussèrent Henry-Louis de La Grange à proposer une synthèse de ses travaux, en 2007, et il y parvint avec l'aide de Joël Richard. Ce livre s'adresse à un plus large public, et va à l'essentiel, et cette entreprise s'imposait parce que les adeptes et amoureux de la musique de Mahler sont aujourd'hui toujours plus nombreux. Comme dans la version longue, nous avons droit en fin de volume à une analyse des œuvres. On regrette cependant l'absence d'une orientation bibliographique en complément et d'une recommandation en matière de discographie.



Le temps de Mahler est venu (il a commencé dans les années 1960 puis cela s'est confirmé nettement dans les années 1970 et 1980).

Je suis l'un des témoins de cette évolution que j'ai toujours appelée de mes vœux.

Merci à Henry-Louis de La Grange de s'être fait l'un des artisans de cette réussite.



François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010).



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Gustav Mahler, tome 3

Ce livre est le troisième tome de la monumentale biographie réalisée par l'auteur du compositeur Gustav Mahler. Henry-Louis de La Grange a consacré sa vie à cette entreprise, et ce n'est pas une formule : il a entendu pour la première fois une symphonie Mahlérienne en 1945, à l'âge de 21 ans, la neuvième, dirigée par le grand Bruno Walter, autrefois disciple du compositeur.

Pris d'une passion pour ce génie alors méconnu, l'auteur a sillonné le monde entier à la recherche de tous les éléments lui permettant de mener à bien son entreprise. En 1973 aux USA, puis en 1979 en France, est sorti le premier tome de la biographie, de plus d'un millier de page. Lire ces trois tomes est fascinant à bien des égards. C'est en ce qui me concerne la seule expérience que j'aie d'avoir eu l'impression de voir vivre au quotidien un homme tel que Mahler. J'ai été plongée dans la vie culturelle et artistique Viennoise du début du XXème siècle, suivi Mahler comme si j'y étais de son enfance pauvre et torturée jusqu'à son apprentissage brillant de la musique, ses débuts difficiles de compositeur, son ascension de chef d'orchestre sans concession, son parcours d'homme enfin, d'une richesse infinie, complexe et témoin d'un monde en pleine mutation. Par l'évolution de sa musique, Mahler pressent la catastrophe des guerres mondiales, la venue du nazisme, la désintégration d'un monde qui meurt doucement. Henry-Louis de La Grange nous plonge aussi dans le monde artistique et culturel foisonnant de l'époque viennoise : ainsi, nous croisons Klimt, Gropius, Schoenberg, Freud...etc... L'auteur n'est pas tendre avec la figure d'Alma Mahler, qu'il a rencontrée de son vivant, et je ne peux m'empêcher d'y voir un soupçon de jalousie, tant son amour de Mahler est inconditionnel...

Ayant été moi-même happée par la passion Mahlérienne dès la fin de mon adolescence, j'ai eu la chance de rencontrer l'auteur venu faire une conférence dans ma ville. J'avoue sans modestie que je l'ai touché par la pluie de questions dont je l'ai envahi, et il m'a fait l'immense honneur de m'inviter à la visite de la bibliothèque Gustav Mahler qu'il venait de créer, à Paris, et qui n'était réservée qu'aux professionnels jusque là. Je me suis donc rendue à Paris, dans le VIIIème arrondissement, et je nous revois, plus de 25 ans après, émerveillés devant les petites lunettes du Maître qu'Henry-Louis de La Grange avait sorties de leur étui exclusivement pour moi, dans un silence quasi religieux, tels des adorateurs d'un Dieu dont nous étions les plus fidèles disciples... Nul doute que toute personne saine d'esprit nous aurait pris pour deux fous !!

Ceci dit, cette biographie Mahlérienne est incontournable comme témoignage musical, mais aussi comme entreprise littéraire de tout une vie.
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