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EAN : 9782213630786
492 pages
Fayard (12/09/2007)
4/5   4 notes
Résumé :

Lors de sa publication en 1979, le premier tome du Gustav Mahler d'Henry-Louis de La Grange fit sensation. Le compositeur du Chant de la Terre sortait à peine d'un purgatoire qui, en France, s'apparentait à une ignorance quasi absolue ; deux autres tomes, plus volumineux encore, en 1983 et 1984, achevaient cette révélation d'une œuvre extraordinaire, d'un génie de la musique à la vie captivante et pathétique, dont l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Lorsque Henry-Louis de la Grange a publié successivement les trois tomes de sa monumentale biographie de Mahler, certains, à les avoir beaucoup attendus, ne les espéraient plus ou ironisaient en disant que cela était une annonce pour faire parler de soi mais que cela ne verrait jamais le jour, et je pense ici à Jean Matter (Mahler, Editions L'Age d'homme), qui ne fut jamais très tendre envers son cadet mais qui n'aurait pas dû se moquer.
Car Henry-Louis de la Grange a réussi à s'imposer comme le spécialiste incontesté et intarissable sur la vie et l'oeuvre de Gustav Mahler (1860-1911). Les Editions Fayard eurent la bonne idée et le courage de soutenir l'entreprise titanesque de l'auteur qui réussit à nous convaincre qu'il nous fallait savoir jusqu'à la manière dont Mahler nouait sa cravate, selon le bon mot de l'un des membres éminents de la Nouvelle École de Vienne.
Henry-Louis de la Grange a alors satisfait notre curiosité au-delà de ce que nous pouvions espérer. J'étais à l'époque parmi ceux qui ne demandaient que cela : tout apprendre et finir par tout savoir sur Mahler, de ses premiers pas auprès d'un père au caractère difficile mais qu'il sut convaincre qu'il avait un rôle à jouer dans la création musicale à sa mort plutôt prématurée alors qu'il n'avait même pas cinquante-et-un ans.

C'était immense : nous avions toute la double vie de Mahler dans le détail, celle du chef d'orchestre et directeur d'opéra, dont la réputation ne fit que croître mais qui connut aussi beaucoup de déboires, et celle du compositeur qui ne réussit pas à s'imposer vraiment avant la création de sa Huitième Symphonie à Munich en septembre 1910. Au fil des pages, nous pouvions lire les réactions des critiques dans les journaux en réaction aussi bien aux interprétations par Mahler des grandes oeuvres des répertoires lyriques et symphoniques, qu'aux concerts au cours desquels Mahler créait ou donnait ses propres oeuvres. Il eut des ennemis acharnés et des soutiens enthousiastes, et des lauriers lui ont parfois été décernés, mais au total il fut quand même, de son vivant, plus souvent étrillé qu'il ne fut encensé. le doute ou le désespoir le guettèrent à certains moments, et,malgré tout, il crut obstinément en son étoile. La phrase :est connue : "Mon temps viendra", qui annonçait des lendemains bien meilleurs, mais ceux-ci ne devaient arriver qu'après la Seconde Guerre mondiale, en raison de la folle barbarie nazie et de la vague d'antisémitisme connue en Europe pendant la première moitié du Xxème siècle.
Une autre phrase du compositeur permet de comprendre pourquoi son oeuvre subit un long purgatoire : "La tradition,
c'est de la négligence". Mahler était un pont entre l'ancien et le moderne, l'âge classique et le XXeme siècle, passant par ce que l'on a appelé par commodité le post-romantisme, bousculant au passage bien des habitudes et des manières de percevoir et de concevoir les choses, et heurtant bien des oreilles par des sonorités volontairement dissonantes et disharmonieuses ou "cacophoniques", passant du sublime au trivial, et inversement. Aujourd'hui, nous sommes habitués, plus rien ne nous surprend (et pourtant non, tout nous surprend encore, même si, à présent, Mahler est devenu lui aussi un "classique", continuateur de Beethoven, Schumann et Brahms. Son oeuvre s'impose à nous plus facilement que celles de Bruckner ou de Sibelius, même si cela est un peu injuste pour les deux autres. Elle dépassemême peut-être, en esthétisme et dans la profondeur du langage musical comme de l'intention créatrice et le génie celle de Richard Strauss, compositeur symphonique et lyrique, encore que Mahler n'ait jamais abordé l'opéra autrement que par des esquisses de jeunesse ou dans le complément apporté à une oeuvre intéressante mais méconnue de Weber, Die Drei Pintos.

Avec Henry-Louis de la Grange, nous avons sillonné toute l'Europe, sommes passés partout où Mahler a laissé une trace, de Hall, Laibach, Olmutz, Kassel, Prague, Leipzig, Budapest, Hambourg et Vienne jusqu'à New York, en nous arrêtant quelquefois à Paris, Amsterdam, Prague, Munich, etc. Et nous avons fait, en imagination, un retour dans le temps grâce à l'auteur, et de beaux séjours d'été dans le cadre enchanteur des lieux où il fit surgir du néant et du chaos les purs chefs-d'oeuvre sortis de son cerveau et de sa main : Maiernigg et Toblach, par exemple.
Nous avons senti battre le coeur de Mahler pour plusieurs femmes jusqu'à la rencontre déterminante avec Alma Schindler, la muse et la maîtresse de tant d'artistes et créateurs. Et nous avons vu la grande complicité avec une amie et une confidente : Nathalie Bauer-Lechner, qui recueillit pour nous plusieurs réflexions de Mahler. Il eut de
fidèles partisans, ce qui mit un peu de baume sur les blessures d'amour-propre provoquées par des attaques perfides et répétées dont il fut la victime par ceux qui l'attaquèrent, souvent pour des raisons mesquines.

Comme directeur d'opéra (genre d'activité qu'il qualifiait d' "enfer") et comme chef d'orchestre, il eut la réputation d'être perfectionniste ou au contraire innovateur jusque dans les moindres détails, exigeant beaucoup des instrumentistes comme des chanteurs et du public, forçant ce dernier à marquer du respect pour les oeuvres par un silence absolu durant les représentations ou les concerts, quand il le pouvait, et interdisant qu'on se déplaçât et qu'on allât et vînt ou que l'on applaudît telle ou telle vedette lyrique pendant l'execution, comme cela se pratiquait apparemment à l'époque. Il eut des relations tendues avec certains membres des phalanges qu'il dirigea, s'acquérant au passage une réputation de despote et de tyran qui ne devait pas cesser de lui coller à la peau. Mahler avait en fait une haute conception de son devoir artistique, et il ne transigeait pas là-dessus.

Mais c'était aussi un homme attentif aux autres, et sensible jusqu'à l'extrême ; il vécut on le sait bien des drames : colères de son père contre son épouse, suicide de son frère Otto, mort de sa fille Maria Anna (Putzi), découverte d'une faiblesse cardiaque pour lui-même, déchirement de devoir abandonner la direction de l'opéra de Vienne à la suite d'une cabale, emprise trop forte sur Alma (l'interdiction qu'il aurait faite de la laisser composer) et choc en retour (la trahison conjugale et la liaison que son épouse entretint avec l'architecte Walter Gropius), voyage à Leyde pour faire un bilan en présence de Sigmund Freud, volonté de reconquérir sa compagne chérie, souffrance et mort dans la force de l'âge. Peut-être passa-t-il parfois à côté des autres sans en avoir pleinement conscience, comme ce fut le cas avec le compositeur et "ami" Hugo Wolf, devenu fou, ou même, visiblement, avec Alma.

On entre aussi, avec Henry-Louis de la Grange, dans l'âme, l'esprit et la pensée de l'homme Mahler, et l'on partage avec lui ses goûts littéraires, poétiques, artistiques, ses idées philosophiques et spirituelles, ses préférences partisanes (une certaine adhésion au socialisme), son genre de vie (pratique d'un régime végétarien), ses amitiés,
ses passions, ses coups de coeur, sa vie au quotidien, la tension entre des activités professionnelles accaparantes et
un appel constant chez lui à se retirer dans un profond recueillement et un complet silence pour pouvoir composer, ce qui imposait bien des contraintes à son entourage.

Les Editions Fayard poussèrent Henry-Louis de la Grange à proposer une synthèse de ses travaux, en 2007, et il y parvint avec l'aide de Joël Richard. Ce livre s'adresse à un plus large public, et va à l'essentiel, et cette entreprise s'imposait parce que les adeptes et amoureux de la musique de Mahler sont aujourd'hui toujours plus nombreux. Comme dans la version longue, nous avons droit en fin de volume à une analyse des oeuvres. On regrette cependant l'absence d'une orientation bibliographique en complément et d'une recommandation en matière de discographie.

Le temps de Mahler est venu (il a commencé dans les années 1960 puis cela s'est confirmé nettement dans les années 1970 et 1980).
Je suis l'un des témoins de cette évolution que j'ai toujours appelée de mes voeux.
Merci à Henry-Louis de la Grange de s'être fait l'un des artisans de cette réussite.

François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010).

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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
La terre respire, livrée au silence et au sommeil.
Tous les désirs, maintenant, aspirent au rêve,
Les hommes las rentrent chez eux,
Pour réapprendre dans le sommeil
La jeunesse et le bonheur oubliés !
Les oiseaux en silence sont blottis dans les rameaux
Le monde s'endort !
Les souffles ont fraîchi à l'ombre de mes pins.
Debout ici, j'attends mon ami.

L'Adieu - Der Abschied d'après Mong-Kao, mort en 740
LE CHANT DE LA TERRE - DAS LIED VON DER ERDE
GUSTAV MAHLER
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Les brumes bleuâtres de l'automne flottent sur le lac ;
Toutes les herbes sont couvertes de givre ;
On dirait qu'un artiste a répandu du jade
Sur les fleurs délicates.
Le doux parfum des fleurs s'est envolé ;
Un vent glacé courbe leur tige.
Bientôt les pétales dorées du lotus,
Fanés, flotteront sur les eaux.

In Le Solitaire en automne D'après Tchung-Wen, 722-780
LE CHANT DE LA TERRE - DAS LIED VON DER ERDE
GUSTAV MAHLER
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