BERNAL
Que de neige, mon ami! On peut à peine se frayer un chemin jusqu'à votre porte.
ALVARO
Savez-vous ce que me rappelle cette neige? Certaine scène d'une chanson de geste allemande. Un chevalier, de l'Ordre Teutonique je crois, se tient debout devant le pont-levis haussé d'un château fort. La tête basse, humblement, sous la neige qui tombe, il attend qu'on descende le pont-levis, car il vient payer la rançon de sa petite fille, retenue prisonnière dans le château. Les heures s'écoulent; on ajourne d'heure en heure de la recevoir; on le brocarde, la valetaille lui jette des boules de neige et des os rongés: et il attend toujours. Lui, le superbe, lui, le féroce, lui, la terreur de ses ennemis, il supporte tout, parce que c'est pour sa petite fille...
BERNAL
Et vous, mon ami, agiriez-vous ainsi, pour Mariana?
ALVARO
Certes!
BERNAL
Vraiment?
ALVARO
Certes!
BERNAL
Je m'en doutais bien, mais je suis content malgré tout de vous l'entendre dire.
Acte I, scène III