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Citation de araucaria


Une nuit, à quatre heures du matin, Jules entra chez moi avec sa clef et déposa au pied de mon lit, où endormi je pris à peine conscience de sa présence, un sac en plastique bourré à ras bord de sachets de DDI, ce nouveau médicament dont j'attendais en vain la délivrance depuis un mois et demi, à bout de forces physiques et morales, ayant dû arrêter l'AZT que je ne tolérais plus hématologiquement et qui n'avait jamais eu sur moi l'effet escompté, perdant chaque jour un geste que j'étais encore capable de produire la veille, souffrant à lever le bras pour me coiffer, éteindre le plafonnier de la salle de bains, mettre ou enlever la manche d'un habit, ne pouvant plus courir depuis déjà longtemps pour attraper un autobus, ça devenait une hantise de monter la marche en m'agrippant à la barre puis de me relever du siège pour descendre à la station, impossible d'ouvrir la vitre d'un taxi et la portière en grand sinon par un coup de pied pour y monter ou en descendre (un chauffeur s'était exclamé : "Une femme encore je comprendrais, mais alors vous!"), puis douloureux de m'en extraire, plus assez de force dans les doigts pour ouvrir ou fermer ma porte à double tour, déboucher une bouteille de champagne, décapsuler un Coca-Cola, faire passer l'air par pression sous un couvercle pour qu'il cède, j'étais désormais incapable de faire aucun de ces gestes sinon au prix de gesticulations et d'efforts grimaçants, un corps de vieillard avait pris possession de mon corps d'homme de trente-cinq ans... (...)
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