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Critiques de Hervé Micolet (2)
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Les Cavales, 1

Avec Les Cavales I, Hervé Micolet fait un retour époustouflant sur la scène poétique. On se lance un peu inquiet dans la lecture de cet ouvrage hors norme, poésie en vers déployée en une suite de strophes légères, d’un lyrisme puissant mais obscur, porté par une langue contemporaine qui se ressource aux siècles passés. C’est un hymne païen puis pagano-chrétien qui ne ressemble à rien qu’on connaisse déjà. Puis, à mesure que cet hymne progresse, en cavale, au gré d’enjambements qui s’enchaînent fantastiquement et à toute allure, dans une langue d’une énergie endiablée, surgit, en filigrane d’abord, puis de manière de plus en plus saillante, la figure de la mère morte jeune. C’est alors qu’apparaissent l’ampleur et la folie extraordinaires du projet d’Hervé Micolet : pour écrire un livre sur cette femme tant aimée et surtout regrettée, il lui aura fallu non seulement avaler tout un pan de la littérature lyrique – de Lucrèce à Boccace en passant par Dante et Pétrarque – mais surtout, ce qui est extraordinaire et sans précédent, apprendre véritablement à parler et à maîtriser une langue disparue, préclassique, que plus personne ne parle aujourd’hui et qui seule, par son énergie, sa richesse, ses libertés syntaxiques, pouvait être à la mesure du lyrisme à déployer. Dans cette chevauchée langagière, traversée par les thèmes de la mélancolie, de la tristesse ou de la mort, aux moments épiphaniques d’une rare intensité, Hervé Micolet érige un tombeau à la mère. Rien d’archaïque ou de passéiste, on l’aura compris, dans cette grande aventure lyrique. Le résultat est magnifique et bouleversant. Hervé Micolet, qui a déjà rejoint les grands poètes du deuil – Paul Eluard, Michel Deguy, Jacques Roubaud, Valérie Rouzeau –, amorce avec ce premier tome une série de Cavales qui sans doute n’a pas fini de nous surprendre.



Agnès Fontvieille Cordani (Université Lumière Lyon 2)
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La lettre d'été

« Ce pays est à l'ancre »



Alourdissement de l'atmosphère, pénible saison s'il en est. Saison pleine. L'été. Ce qu'Hervé Micolet entend faire, c'est se tenir au centre de « l'idée nue d'un paysage et d'une heure qui passe ». Dans ce recueil aux portes du délire mais qui n'y entre jamais vraiment, donner à l'été juste ce qu'il faut de froideur pour pouvoir en supporter la dimension.

Forcément, cela se fera dans un silence et un vide assez impénétrable pour s'y perdre. Le décor est brisé, archaïque et inadapté, façonné du « manque d'âme, ou manque d'humanité » qui envahit notre sensibilité. La campagne et ses fermes, évidemment plus hostile qu'un environnement comme la cité, créée à notre image et qui, l'été, accentue ses contours. « Ce pays est à l'ancre », soudé au sol, arrimé, déprimé. C'est aussi cette température qui ne baisse pas, même lorsque le soleil se couche, et l'auteur qui s'évanouit de nuit comme de jour, laissant la torpeur prendre possession de sa carcasse mortifiée. Cela « ressemble fort à cet encerclement du dernier bastion de l'être ». Enfiévré comme le stylite sur son pylône, on dirait qu'on ne peut échapper à aucun rayon. Reste le rêve pour s'évader dans un monde moins écrasant.

Pour autant, tant que la fenêtre reste disponible pour s'y accouder dans l'observation alanguie des phénomènes, la situation demeure viable. Elle ouvre vers « une autre rive », et, chaleur aidant, s'ouvre « ce « troisième œil » tant vanté qui saurait percevoir l'infime trait, la nuance impensable, la profondeur d'une habitation ou le chiffre d'or d'un paysage familier. » Plaisir rare de l'esthète, du spectateur scrutateur des singularités, que de s'étourdir de la sorte, à la manière, cette fois d'un fakir, dans un exercice d'oubli de soi, d'éloignement de la douleur. Exercice d'endurance au sens premier du terme, d'où naît une certaine forme de stimulation dans l'immobilité, thérapie de l'ascète, quête du bonheur. On le sait, le dolorisme tend à guider vers la libération spirituelle.

De cette joie douce qui finit par inonder le cours de la Lettre, on dirait que l'auteur ne se rend pas compte. Il prétend s'acclimater tant bien que mal à la lourde ambiance estivale, sans réaliser que son regard s'emprunte d'une poésie plus gentille à mesure que le recueil avance. Ainsi, il finit par découvrir de son lieu de villégiature « l'endroit le mieux orienté du versant » où « trois murs de pisé encordés de lierre s'effilochent, et resplendissent. » Ailleurs, ce sont « (l)es flammes qui s'élèvent en dessinant des hippocampes rouges et noirs ». Bien sûr, l'été se termine me direz-vous ; mais passant ainsi, il ne laisse pas que d'indélicates cicatrices. Pour la peine endurée, nous sommes invités à célébrer le fait que « (p)lusieurs siècles de terre brutale remontent d'un labour, la présence d'un arbre devient intense, un nuage tient davantage de place sur l'horizon », et prendre acte de la soif millénaire de nos défunts engloutis. C'est que l'été, c'est une morte saison.
Lien : http://p-andrean.blogspot.com/
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