Titien montre qu’il fut perçu comme un innovateur en la matière le fut en effet de deux manières : premièrement en décrivant la personnalité ou l’état d’esprit de son modèle de manière infiniment plus claire et plus spécifique que d’autres artistes italiens de la renaissance, à l’exception notable de Raphael ; deuxièmement en adaptant ce profil psychologique au statut social de son modèle – toujours une fonction essentielle du portrait – et ce d’une manière qui lui permet de flatter son modèle sous couvert de dire la vérité.
Lors du travail préparatoire, Titien ébauchait d’abord son sujet en appliquant la couleur en grandes masses de couleurs épaisses, après quoi il tournait ses toiles vers le mur – souvent pendant plusieurs mois. De loin en loin, il les réexaminaient « avec la rigueur la plus implacable ». dans la dernière étape de son travail « il les peignaient plus avec ses doigts qu’au pinceau ».
Cette pratique marque une différence majeurs d’avec les générations précédentes de Venise ou du centre de l’Italie, qui tendaient plutôt à arrêter tous les détails dans des dessins préparatoires ou dans les ébauches réalisées à même le support pictural et qui étaient beaucoup moins enclines à procéder à des changements importants une fois commencé le travail de peinture.
L’élève assimile intégralement le style spécifique de son maitre, et à la mort de Giorgone la personnalité artistique plus robuste de Titien lui confèrera l’envergure nécessaire pour lui succéder en qualité de capuscuola de la haute renaissance vénitienne et pour transmettre à la génération suivante le flambeau du luminisme et du collorisme vénitien.
Dans les portraits qu’il réalise au cours de cette période, c’est-à-dire entre 1515 et 1526 environ, la virtuosité technique cède progressivement le pas à de nouvelles stratégies pour décrire les personnalités, stratégie qui, comme on l’a vu plus haut, peuvent traduire aussi bien le statut du modèle que son caractère intérieur.
On a pensé encore assez récemment qu’à la fin des années 1530 et dans les années 1540, Titien est contracté une sorte de virus appelé « crise maniériste », sous entendant par là qu’il s’était senti menacé par Michel Ange et par le développement du maniérisme en Italie centrale, et qu’il avait lutté pour s’en accommoder.
Le soin que Titien a apporté à ses premières série de portraits de femme reste une des gloires de la renaissance vénitienne. Décrites avec amoureuse attention ces jeunes femmes - bien qu’idéalisées dans la composition finale – sont trop pleines de vie et de caractère pour ne pas avoir été peintes d’après le modèle.
Les figures de Titien revendiquent une nouvelle clarté. L’espace a été réduit de manière a amplifier leur présence physique, et les fortes couleurs locales jouent un rôle aussi important dans la définition de l’espace que la perspective et la disposition des personnages.
La renommée de Giorgione s’est aussi répandue par des peintures de moindre dimensions réalisées pour des collectionneurs privés. Certains étaient des paysages avec figures. Dans ce genre aussi, Giorgione a exercé une influence sur son jeune collègue.
Le style tardif de titien est loin d’avoir été compris largement, et ce ne fut pas non plu le cas de son vivant, certains critiques jugeant en effet que sa manière trahissait manifestement un déclin des facultés artistiques et visuelles du peintre.