Un homme courait dans la nuit, ombre indistincte au milieu des dunes. Un croissant de lune mince comme une lame de couteau accrochait des reflets dorés à la ganse de son chapeau. Plus bas, l'obscurité noyait le halo rouge don't l'humidité lui tachait les côtes, et qui allait en s'élargissant. Courbé contre les rafales venues du large, il titubait, le souffle court. Combien de temps encore pourrait-il continuer ?
Les étoiles brillaient, froides dans la nuit de Judée. Deux petites silhouettes cheminaient le long de la corniche au-dessus du désert. Entièrement voilées d’un noir que la route avait rendu poussiéreux, elles étaient presque invisibles malgré la pleine lune, tant depuis la vallée que depuis les étroites fenêtres du monastère qui couronnait la montagne au-dessus d’elles.
« Ce n’était autre que le mont de la Tentation où, selon l’Évangile, Satan avait mis à l’épreuve le Fils de Dieu. Quant au koinobion qu’on y avait bâti, suspendu entre ciel et terre, les nonnes l’appelaient entre elles monastère de la Tentation ; mais les étrangers lui donnaient toujours le nom de la forteresse des anciens rois de Juda qui se dressait jadis sur cette montagne : Douka. Certains murmuraient que le mot venait d’une idole païenne dont le nom même était périlleux à prononcer, le terrible et quasi-oublié Dagon…